Les émeraudes Du Prophète
qu’on ne lui disait peut-être pas tout mais admira la rapidité de réalisation des prédictions d’Hilary. Son ironique adieu ne lui avait-il pas affirmé qu’elle ne resterait pas longtemps en prison… et qu’ils se reverraient ?
— La lettre que sir Percy lui destinait, verriez-vous un inconvénient à me la remettre ?
— Pour quoi faire ?
— Souvenez-vous de ce qu’elle a dit quand vous m’avez emmené ! Il y a une chance pour que je la rencontre un jour. Bien avant vous, en tout cas…
— Pour quelle raison ?
— Oh, fort simple ! Je suis spécialiste des joyaux anciens et, de préférence, historiques.
— Je sais mais…
Aldo haussa les épaules :
— Elle aussi… mais d’une autre façon !
Le capitaine Harding réfléchit puis soupira :
— Pourquoi pas, après tout ? Je vous ferai porter cette lettre. Et à propos…
Il plongea la main dans une poche de son uniforme, en tira un petit paquet blanc fait avec un mouchoir plié :
— Tenez ! Je vous les rends ! Ils sont à vous puisque c’est à vous que cette diablesse les a volés…
Sur le linge blanc, les joyaux qui avaient paré Bérénice, Saladin, des sultans ottomans, les amours de Vlad Drakul et les jolies oreilles d’une grande-duchesse laissèrent un rayon de soleil animer leur profondeur verte, plus séduisants que jamais. Morosini, pourtant, repoussa doucement la main qui les lui offrait.
— Non. Ils appartiennent à la tradition juive. Remettez-les au Grand Rabbin de Palestine ! Ils iront rejoindre le Pectoral dont ils étaient le complément…
Harding prit les émeraudes mais ce fut pour les poser sur une petite table :
— Ça, je ne veux pas le savoir. Vous êtes le dernier propriétaire connu, je vous les rends. Libre à vous d’en faire ce que vous voulez, mais ne comptez pas sur moi. Je suis officier anglais et si vous m’obligez à les reprendre, je les envoie tout droit au British Muséum. En espérant qu’ils y arriveront !… À présent vous êtes libre et je vous souhaite bonne chance.
Il salua réglementairement, alla vers la porte mais s’y arrêta :
— Ah, j’allais oublier 1 Ne vous précipitez pas à la recherche du lieutenant Mac Intyre et de votre ami. Je peux vous prédire qu’ils seront rentrés ce soir : il y a des troubles sérieux dans la région d’Hébron et jusqu’à la mer Morte. Ils vont être refoulés…
Aldo ne répondit pas. Qu’aurait-il pu dire à cet homme qui avait toujours considéré la disparition de Lisa comme un détail sans importance ? Et, en vérité, le sort s’acharnait contre eux. Il ne manquait plus à leur malheur qu’un nouveau réveil des affrontements qui opposaient périodiquement les Arabes aux Juifs, et l’ensemble aux occupants anglais…
Longtemps, il resta assis, l’œil rivé aux joyaux magnifiques et redoutables dont personne ne lui contestait plus la propriété mais qui lui faisaient horreur. Au point qu’il décida de ne pas les garder un instant de plus qu’il ne fallait.
Cherchant une pochette de soie, il les emballa, choisit dans la garde-robe le costume qu’il allait mettre et fourra le tout dans l’une des poches intérieures. Puis il alla prendre une douche froide, se rasa, s’habilla avec plus de soin encore que de coutume par respect pour celui qu’il allait rencontrer et quitta l’hôtel à pied pour gagner, dans la Vieille Ville, la principale synagogue où il demanda une entrevue avec le Grand Rabbin.
Le lévite qui l’accueillit – et qui le reconnut parce que c’était celui-là même qui l’avait reçu au lendemain de l’enlèvement de Lisa – acquiesça gravement et ouvrit devant lui la porte du parloir où il avait déjà attendu. Mais ce fut Ézéchiel qui parut…
Le visage soudain rayonnant, les mains tendues, il courut plus qu’il ne marcha vers le visiteur :
— Vous êtes venu ?… Est-ce que cela veut dire…
— Que je vous « les » apporte ? Oui. Le capitaine Harding me les a rendus tout à l’heure. Mais par quel miracle est-ce que je vous retrouve ici ?
Le jeune homme haussa des épaules désinvoltes :
— Un petit miracle. J’ai couru jusqu’ici en passant par le tunnel d’Ézéchias et la synagogue est lieu d’asile. D’ailleurs nous venons d’apprendre qu’aucune charge ne sera retenue contre moi. Et tout va bien… sauf pour notre pauvre Rabbi Goldberg… Je sais bien que ce qu’il vous a fait était condamnable mais il était prêt
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