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Les émeraudes Du Prophète

Les émeraudes Du Prophète

Titel: Les émeraudes Du Prophète Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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vêtements à peu près informes de « Mina Van Zelten » dont même Plan-Crépin ne se fût pas accommodée. Alors il oubliait sa souffrance et il souriait… C’était, à tout prendre, un bon remède pour éviter de devenir fou…
    Ce soir-là, l’évocation lui fit si mal qu’il prit la direction de la place de la Vieille-Ville, le cœur battant de Prague près de laquelle s’ouvrait, par une porte médiévale flanquée d’échauguettes, le quartier de Josefov, l’ancien ghetto, pour s’en aller frapper tout de suite à la porte du vieux rabbin, en finir avec cette cité trop romantique et reprendre un train pour Vienne puis pour Istanbul, mais il s’arrêta, revint sur ses pas pour rejoindre l’Europa : il ne voulait pas risquer d’indisposer Jehuda Liwa en lui tombant dessus nuitamment alors qu’il savait bien que les nuits de cet homme étrange ne ressemblaient pas à celles des autres. Et puis les lits de tous les hôtels du monde n’étaient jamais que ce qu’ils sont : des meubles commodes pour dormir. Décidé à en chasser le rêve, Aldo regagna le sien après une douche rapide et l’absorption exceptionnelle d’un comprimé de somnifère. Moyennant quoi, il dormit comme une souche…
    Le lendemain, il faisait froid, il faisait gris et il pleuvait. Ce qui convenait tout à fait à l’humeur de Morosini. Sanglé dans son inusable Burberry’s dont il releva le col, une casquette enfoncée jusqu’aux sourcils et ses mains gantées de pécari au fond de ses poches, il se dirigea à travers l’activité matinale de la capitale tchèque et le tintement des tramways vers l’antique synagogue Vieille-Nouvelle, si vénérable que l’on en disait les pierres venues des ruines du temple de Jérusalem et apportées là par les émigrants juifs. Chargée d’histoire, de légende aussi, elle était à l’image de son desservant : d’une austère et énigmatique beauté.
    Jehuda Liwa habitait la maison qui en était la plus proche. Le visiteur reconnut sans peine la vieille demeure grise aux étroites fenêtres ogivales et l’étoile à cinq branches marquant au front, comme un sceau, la porte basse dont il souleva par trois fois le heurtoir de bronze comme on le lui avait enseigné jadis. Mais personne ne vint à son appel et le son, renouvelé, parut se perdre dans les profondeurs d’une maison vide.
    Pensant que, peut-être, le rabbin et son serviteur se trouvaient à la synagogue, Morosini reculait pour en prendre le chemin quand un homme sortit d’une maison contiguë qu’il connaissait encore mieux puisqu’on l’y avait rapporté après le drame dont Vieille-Nouvelle avait été le théâtre. C’était d’ailleurs le propriétaire, le docteur Meisel, qui l’avait soigné et Aldo alla vers lui, heureux de retrouver un ami :
    — Quelle joie de vous rencontrer, docteur ! J’avais l’intention de passer chez vous après avoir vu le rabbin mais puisque vous sortiez, je vous aurais manqué…
    Derrière leurs verres épais les yeux du chirurgien brillèrent de plaisir :
    — Monsieur Morosini ! Mais quel plaisir inattendu !… et d’abord comment allez-vous ?
    — Aussi bien que possible ! Vous m’avez magnifiquement réparé et je ne suis pas près d’oublier votre hospitalité.
    — Laissez ! Laissez ! J’étais heureux de vous l’offrir. Voulez-vous entrer un moment ?…
    — Mais vous sortiez ?
    — Rien d’urgent ! J’allais chez mon libraire… Cela peut attendre. D’autant que je crains bien de devoir vous annoncer quelque chose qui vous fera de la peine.
    — Quoi donc ?
    — Vous veniez voir Jehuda Liwa, n’est-ce pas ?
    — Bien entendu ! Je lui suis, croyez-moi, très attaché…
    Ebenezer Meisel hocha la tête avec tristesse et prit le bras d’Aldo pour le faire entrer dans sa demeure :
    — Il vous faudra désormais vous contenter du souvenir, mon ami. Le Grand Rabbin de Bohême n’est plus. Mais venez vous asseoir : nous causerons mieux dans mon cabinet.
    Aldo se laissa emmener. Une cruelle déception amplifiait la peine inattendue que lui causait la nouvelle. Depuis trois jours, il avait placé tant de confiance dans les pouvoirs surnaturels d’un homme à l’appel duquel obéissait l’ombre de l’empereur Rodolphe II, ami des magiciens et des alchimistes ! Il était certain de sortir de chez lui avec au moins un fil conducteur, une indication… si même Jehuda Liwa n’était pas capable de lui livrer toute l’histoire

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