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Les émeraudes Du Prophète

Les émeraudes Du Prophète

Titel: Les émeraudes Du Prophète Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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avons plus. Celui de la bibliothèque nous a été volé il y a six mois environ…
    — Par qui ? firent les deux amis d’une même voix.
    M. Gerland eut un geste traduisant l’impuissance :
    — En réalité, nous l’ignorons. Nous avions recruté à ce moment un jeune bibliothécaire bardé de diplômes et très recommandé par le ministre de l’Instruction publique mais il était de santé fragile et le climat bourguignon est continental, donc un peu plus dur que celui de la région parisienne. Il nous a quittés assez vite…
    — Et il est parti avec votre livre ? fit Morosini avec un sourire.
    — Nous n’en sommes pas sûrs, cependant il y a de fortes chances. En fait, nous ne nous sommes pas aperçus tout de suite de cette disparition. Au moment où ce jeune homme est parti, il a été porté sur nos livres prêté exceptionnellement à une personnalité de Dijon qui ne peut se déplacer et que nous connaissons bien… et qui ne l’a jamais reçu. Son secrétaire était même fort mécontent de se trouver mêlé sans en avoir la moindre idée à ce que l’on ne peut appeler qu’un vol. D’ailleurs, le ministre de l’Instruction publique ne connaissait même pas ce jeune Armand Duval…
    — Et il avait une maîtresse nommée Marguerite Gautier ? s’écria Vidal-Pellicorne en riant franchement. Il ne nous manquait plus que la Dame aux Camélias !
    M. Gerland, lui, ne riait pas. Le coup d’œil qu’il lança à cet archéologue hilare était même plutôt sévère.
    — J’avais remarqué, moi aussi, mais il disait appartenir à la famille des « bouillons » bien connus et sa mère, qui admirait beaucoup Dumas Fils, avait tenu à lui donner ce prénom romantique. Seulement, ajouta-t-il d’un ton penaud, je crois qu’il s’agissait encore d’un conte et qu’il ne s’appelait pas du tout Armand Duval… En fait, j’ignore son identité réelle.
    — Ne vous faites surtout aucun reproche, dit Morosini gentiment, il existe de par le monde nombre de gens fort habiles à changer de personnalité. Cependant… Pourriez-vous nous le décrire… au cas où il nous arriverait de le rencontrer…
    Avec beaucoup de bonne volonté, le conservateur brossa un portrait qui, malheureusement, pouvait convenir à pas mal de monde : environ vingt-cinq ou vingt-six ans, blond, les yeux gris, mais il finit par entrer tout de même dans des détails prouvant un honnête sens de l’observation. Ainsi de la taille sur laquelle M. Gerland était formel : un mètre quatre-vingt-trois. En outre le menton volontaire se partageait sur une profonde fossette et les mains aux doigts longs et déliés eussent été belles si, justement vers le bout, ces doigts ne se spatulaient légèrement…
    Comme le fit remarquer Adalbert, on n’était pas là pour courir sus à un émule d’Arsène Lupin mais bien pour connaître la suite de certain passage du livre de La Broquière. Il allait falloir interroger le manuscrit :
    — Nous recherchons, avoua honnêtement Morosini, deux pierres précieuses dont il est fait mention dans ce livre. J’ai eu en main un exemplaire mais on me l’a enlevé avant que j’aie pu lire la page suivante.
    — Sauriez-vous me dire à quelle époque du récit cela se situait ?
    — Oui. En 1432, à Damas, La Broquière venait de rencontrer Jacques Cœur…
    — Ce sera facile à trouver. Veuillez patienter un instant !
    Il quitta son cabinet de travail avec toute la dignité convenant à son personnage et revint quelques minutes plus tard accompagné d’un vieillard ressemblant comme un frère au Moïse de Claus Sluter dont le puits formait l’un des principaux ornements de l’ancienne sépulture des ducs de Bourgogne, la Chartreuse de Champmol sise aux portes de Dijon : l’immense barbe à deux pointes enveloppait tout le terrible faciès au regard impérieux ouvert sur un avenir dont il rendait la profondeur. Les deux visiteurs eurent beaucoup de mal à garder leur sérieux quand on leur présenta M. Lafleur, un nom allant aussi mal que possible à l’impressionnant personnage auquel d’ailleurs M. Gerland parlait avec un respect qui n’eut pas l’air d’améliorer son humeur. Le « grand archiviste paléographe » venait d’être dérangé d’une importante occupation et le faisait sentir. Il attrapa le vénérable manuscrit, chercha la page demandée d’un doigt aussi désinvolte que s’il avait consulté l’annuaire des chemins de fer, relut en

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