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Les émeraudes Du Prophète

Les émeraudes Du Prophète

Titel: Les émeraudes Du Prophète Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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à laquelle nous tenons ici !
    Mais Aldo et Adalbert échangèrent un coup d’œil : ils devinaient que leur hôte avait dû juger bon de convoquer le pope avant de voir ses clients partir pour une expédition aussi risquée… Et lorsqu’ils partirent, une heure plus tard, dans la solide charrette attelée de deux gros chevaux qu’il avait réussi à leur trouver, il resta sur le seuil de son auberge à les regarder s’éloigner. En se retournant, Aldo vit qu’il traçait dans l’air et à leur intention un grand signe de croix avant de se signer lui-même :
    — En voilà un qui ne s’attend pas à nous revoir vivants ! marmotta-t-il à l’usage d’Adalbert assis auprès de lui.
    Hilary, enveloppée de fourrures et de deux couvertures, s’était installée à côté du cocher sous une espèce d’auvent censé les protéger des précipitations célestes. Le temps, cependant, était moins froid. La neige qui était la première de l’année commençait à fondre sous le pâle petit soleil qui clignait de l’œil au-dessus des sapins noirs… On remontai la rivière et le paysage était magnifique avec, en toile de fond, les Karpates et leur sauvage grandeur vers lesquelles on se dirigeait en sachant fort bien que l’on devrait faire à pied la dernière partie du chemin. Le voiturier les avait prévenus.
    — Je vous attendrai à l’auberge d’un petit village qui est à deux petits kilomètres du château…
    — Vous ne nous emmenez pas jusqu’au bout ? protesta Adalbert en se promettant bien de dire, au retour, quelques mots bien sentis à Schaffner. Mais il y a une dame avec nous ?
    — Elle peut rester avec moi si elle veut. D’ailleurs ça s’rait bien mieux pour elle…
    — Mais enfin, pourquoi ?
    Au même moment, un hurlement éloigné mais, très reconnaissable, arriva du fond de la forêt :
    — Vous entendez ? dit le cocher. Les loups ! Je ne veux risquer ni mes chevaux ni ma peau…
    Rien ne put l’en faire démordre et il fallut bien se résigner à exposer la situation à Hilary : la peur de l’homme était réelle. Elle laissait supposer qu’il y avait peut-être, au bout de la route, un danger plus réel que ne le laissaient supposer les superstitions locales. Miss Dawson posa quelques questions touchant cette femme mystérieuse vers laquelle on se dirigeait. Adalbert lui en dit ce qu’il savait, c’est à dire pas grand-chose, et termina son discours en précisant :
    — Une chose est certaine : elle déteste les autres femmes et la conclusion logique de ceci est que vous allez nous attendre tranquillement à l’auberge…
    Il avait fait preuve de toute la fermeté dont il disposait mais la jeune fille lui rit au nez avant de lancer d’un ton offensé :
    — Quand donc allez-vous perdre cette manie de vouloir toujours me laisser derrière vous ? Que voulez-vous que je fasse avec ce rustre et les quelques paysans crasseux que je vois ici ? Une partie de dés peut-être, en ingurgitant des pintes de cet alcool dont ne voudrait pas un docker de Wapping ?
    Aldo pensa qu’hier elle n’avait pas l’air de trouver cela si mauvais mais se garda bien d’intervenir dans ce qui ressemblait de plus en plus à une scène de ménage. Hilary d’ailleurs poursuivait sa philippique.
    — Sachez qu’une Anglaise bien née ne craint aucun ennemi, réel ou imaginaire !…
    — Alors restez ici ! lâcha Aldo, logique.
    Elle tourna vers lui le double feu de son regard indigné :
    — Justement non ! La seule chose que… qui me déplairait serait d’être abandonnée dans ce pays perdu au milieu d’indigènes dont j’ignore la langue et qui ressemblent davantage à des ours qu’à des êtres humains pendant que vous irez vous faire tuer tout à votre aise ! Et maintenant assez perdu de temps ! Allons-y ! Vous venez ?
    Et, sautant à bas de la voiture dans une flaque de boue qui ne parut pas l’incommoder, elle s’engagea résolument dans le chemin encore vierge de tout passage où la neige ouatait pudiquement les ornières. Il ne restait plus qu’à la suivre.
    — Je vous attendrai jusqu’à demain soir mais pas plus tard ! cria le charretier. J’ai du travail qui m’attend !
    Et il rentra dans l’auberge.
    — C’est maigre comme oraison funèbre ! remarqua Morosini en haussant les épaules et en enfonçant sa casquette sur sa tête.
    Le mauvais état du chemin rendait l’avance pénible mais la forêt de sapins était magnifique avec

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