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Les émeraudes Du Prophète

Les émeraudes Du Prophète

Titel: Les émeraudes Du Prophète Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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chez la grande-duchesse ? Bien sûr ! Ça tombe d’autant mieux que, du coup, je vais pouvoir accompagner Hilary en Angleterre pour fêter Christmas avec elle et sa famille. Elle veut me présenter. C’est bien naturel…
    — Tout à fait ! Eh bien, mes vœux t’accompagnent… mais arrange-toi pour être sur le quai de la gare de l’Est au jour et à l’heure que je te ferai savoir ! Tâche de te souvenir, au milieu de ton paradis britannique, que je me bats pour la vie de ma femme à moi !
    Et il partit en claquant la porte, plus furieux qu’il ne l’aurait cru et d’autant plus qu’il se savait injuste et même cruel. Adalbert avait bien le droit d’être heureux et, en outre, il savait quelle tendresse il portait à Lisa, une tendresse qui l’avait parfois agacé. Il se sentit si mal, même, qu’il faillit revenir sur ses pas pour se faire pardonner ses dernières paroles mais l’orgueil le retint. Et aussi une certaine lassitude. L’amour, il le savait, pouvait briser n’importe quoi, même une belle amitié. Peut-être fallait-il qu’il se fasse à l’idée de perdre Adalbert ?…
    Pourtant, au jour et à l’heure indiqués, celui-ci arpentait le quai de la gare d’un pas solide, une serviette de cuir à la main et vêtu avec toute la discrétion qui convient au secrétaire d’un personnage illustre, mais Aldo ne se méprit pas sur l’air de componction avec lequel il accueillit son « patron » lorsque celui-ci fit son apparition : Adalbert n’avait pas digéré sa « sortie » meurtrière de l’autre jour. Qu’il n’avait cessé de regretter d’ailleurs. Aussi sans se soucier des autres voyageurs qui encombraient le quai et que la nuit d’hiver changeait en silhouettes imprécises, il l’empoigna aux épaules et l’embrassa :
    — Pardonne-moi ! dit-il, je ne savais plus bien ce que je disais.
    — Oh, c’est oublié. Moi aussi, j’ai à m’excuser de t’avoir laissé supposer que je ne pensais plus à Lisa et à ce que tu endures… À présent, il faut établir notre plan de bataille…
    — Je ne demande que ça… À propos, Hilary va bien ?
    Adalbert éclata de rire :
    — Hilary à propos d’un plan de bataille ? Tu ne désarmes pas, on dirait ?… Rassure-toi, tu ne vas pas la voir surgir du train : elle a consenti à rester chez elle… Ah, pendant que j’y pense : quel est mon nouvel état civil ? Tu m’as fait faire un faux passeport ou quoi ?
    — Inutile. Le tien ira très bien mais pour la grande-duchesse tu t’appelleras Albert Vidal, tout simplement. Montons, il fait un froid de loup !
    Le train allait partir. Un haut-parleur invitait les voyageurs à prendre leurs places. Les deux hommes rejoignirent le contrôleur qui leur indiqua le compartiment qu’ils allaient partager pour ce voyage jusqu’à Bregenz d’où un petit train les conduirait à Langenfels, capitale du grand-duché de Hohenburg. Un moment plus tard, alors que le long convoi s’ébranlait en crachant des jets de vapeur, Aldo et Adalbert, installés dans leur étroit compartiment d’acajou, de cuivre et de velours, se réchauffaient à la chaleur de leur amitié intacte. Morosini goûtant avec intensité le confort de pouvoir parler tranquillement sans que le joli minois et les yeux fureteurs de l’Honorable Hilary Dawson s’interposent. C’était la première fois depuis longtemps et il en était d’autant plus heureux qu’il avait l’impression qu’Adalbert éprouvait le même sentiment mais il se garda bien de creuser la question.
     
    Coincé entre la Bavière et l’Autriche, résolument montagnard, le grand-duché de Hohenburg-Langenfels n’existait plus en tant qu’entité politique. Jusqu’à la guerre, son souverain était l’un de ces nombreux princes médiatisés réunis dans l’énorme empire allemand dont la Prusse militariste de Bismarck avait fait son affaire mais, protégé par les solides remparts des Alpes, il n’en avait pas souffert et ne souffrait toujours pas d’appartenir maintenant à une république chancelante. La fortune grand-ducale, en tout cas, était intacte et la belle Fedora, devenue simple châtelaine, n’en conservait pas moins la propriété de ses terres.
    En débarquant dans la petite gare de Langenfels, Morosini et Vidal-Pellicorne eurent l’agréable impression que rien n’avait changé. Posée sur son tapis de neige, la petite ville offrait une image parfaite de conte de Noël avec ses maisons anciennes

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