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Les fiancés de Venise

Les fiancés de Venise

Titel: Les fiancés de Venise Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Remin
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bonté de répondre à cette objection remarquablement puérile. On ne pouvait toutefois pas se méprendre sur la pointe de menace qui perçait derrière ses paroles.
    — Dans ce cas, la commission empêchera la sortie du prochain numéro de l’ Emporio della Poesia , mes poèmes ne seront pas publiés et je passerai pour un ridicule achevé aux yeux de Violetta.
    C’était naturellement hors de question. Le commandant en chef sortit une enveloppe du tiroir et la fit glisser sur son bureau.
    — Cela dit, prenez votre temps pour la traduction des poèmes, conclut-il sur un ton de sournoise largeur d’esprit. Je suppose que vous voulez d’abord prévenir l’archiduc de la mort tragique de Gutiérrez.
    Tron se leva d’un mouvement mal assuré. Il serrait si fort entre ses doigts l’enveloppe contenant les écrits du commandant de place que ses articulations en étaient toutes blanches.
    — Toggenburg attend la version italienne pour la fin de semaine, lâcha Spaur sans le regarder.

44
    — Nous sommes au courant, déclara d’emblée Maximilien.
    L’espace d’un instant, le commissaire crut que l’archiduc voulait parler de l’intrusion de l’ esprit monarchique dans l’ Emporio della Poesia , ce qui était évidemment absurde. Une coupe de champagne à la main, le dernier bouton de sa veste d’uniforme ouvert avec complaisance, le futur empereur du Mexique s’était levé, tout comme Beust, à l’arrivée de Tron.
    — González nous a prévenus ce matin, continua-t-il. Nous attendions votre venue.
    Il regarda le policier d’un air soucieux.
    — Vous avez mauvaise mine, comte.
    Puis après une petite pause, il poursuivit, en chef de troupe attentionné :
    — Un café ? Du sherry ? Du champagne ?
    Le commissaire ne put s’empêcher de songer au cognac écossais qu’il avait bu deux jours auparavant en compagnie de Spaur. Quand ils mangeaient de la panse de brebis farcie, avait expliqué son chef, les Écossais en buvaient des quantités prodigieuses – ce qui n’avait rien d’étonnant. Maintenant qu’il allait devoir publier les insanités de Toggenburg et que l’ Emporio allait se transformer en haggis – ou un nom de ce genre –, Tron aussi en aurait volontiers bu un verre pour digérer.
    — La mort tragique de l’ambassadeur clarifie au moins la situation, reprit l’archiduc en brandissant sa coupe, comme pour trinquer à ce ménage.
    Le commissaire ne comprit pas ce qu’il voulait dire. Dans le doute, il avala son sherry d’un trait.
    Maximilien sourit.
    — Permettez-moi de reprendre d’un peu loin, comte.
    Comme il y a quelques jours, ils s’assirent tous les trois autour de la table en acajou fixée dans le sol – Beust une tasse de café devant lui, Tron son verre vide et Maximilien, qui n’avait manifestement rien contre une bouteille de champagne en plein après-midi, une coupe. Aujourd’hui, on apercevait par le hublot un voilier – un brick grec.
    — Après l’échec de l’opération dimanche dernier, commença l’archiduc, nous nous sommes permis de jeter un coup d’œil dans la valise diplomatique qui arrivait à Venise tous les deux jours sur une de nos frégates en provenance d’Ancône. (Il toussota.) En principe, le secret postal est pour nous une valeur sacrée, mais dans le cas présent, nous avons donné ordre à l’officier en charge de…
    Il laissa la phrase en suspens et but une gorgée de champagne.
    — Pour tout dire, nous avions espéré trouver des informations compromettantes sur le compte de Gutiérrez. C’est pourquoi les documents nous ont surpris.
    — En quel sens ? demanda Tron.
    Manifestement, l’archiduc éprouvait un grand plaisir à servir ses informations en petites portions – comme les feuilletons des journaux parisiens.
    — Ils contenaient des renseignements sur le père Calderón et Pucci, répondit-il avant de s’arrêter pour laisser à ce nouvel épisode le temps de produire son effet.
    Puis il ajouta sur un ton théâtral :
    — Des renseignements provenant des caves du Vatican.
    L’ambassadeur, se dit Tron, devait connaître quelqu’un qui avait fouiné pour lui dans les archives du pape.
    — Je sais, Gutiérrez soupçonnait le père Calderón, glissa-t-il. Dans cette histoire, tout le monde à un certain moment a soupçonné tout le monde.
    Cela étant, le prêtre avait-il suspecté Gutiérrez ? Le commissaire constata qu’il avait du mal à se souvenir. Il se rappelait que Calderón

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