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Les fiancés de Venise

Les fiancés de Venise

Titel: Les fiancés de Venise Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Remin
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la princesse à la fenêtre, qui fixait l’obscurité grise. Elle avait tiré le rideau et entrouvert un battant, apparemment insensible à l’air glacial qui pénétrait dans la pièce et agitait les voilages d’un frémissement chagrin. Pendant un instant, sa silhouette se refléta dans la vitre à travers laquelle on voyait les fenêtres éclairées du palais Barbaro, de l’autre côté du Grand Canal.
    — Alors ? demanda la princesse sans se retourner.
    Sa voix était calme, mais Tron y sentit la peur vibrer comme les ailes d’un oiseau. Il savait qu’elle ne détesterait rien tant que des paroles superflues.
    Il dit :
    — Calderón voulait tuer Beust.
    Puis après une courte pause :
    — Légitime défense.
    — Père Calderón est mort ?
    Elle se retourna et regarda le commissaire. Elle avait posé cette question sur un ton neutre, presque indifférent. Son visage ne trahissait ni chagrin ni surprise. Il perçut seulement dans ses yeux verts un doute absurde, à supposer qu’il ne rêvât pas : la princesse ne le croyait pas.
    — Il est mort sur le coup, confirma-t-il. Beust l’a touché en plein cœur.
    Elle hocha la tête. Ses traits n’exprimaient toujours aucune émotion. Tron ne put s’empêcher de repenser à la discussion qu’ils avaient eue, un an auparavant, sur le pont de l’ Archiduc Sigmund , lorsqu’il lui avait annoncé qu’un crime s’était produit à bord. Ce jour-là déjà, appuyée contre le bastingage, elle l’avait regardé de cette mine impénétrable – en dehors d’une rapide étincelle dans ses yeux d’émeraude.
    — Calderón avait levé son arme, poursuivit-il.
    — De sorte que le lieutenant de vaisseau s’est malheureusement vu contraint de se défendre ? ajouta-t-elle en plissant le front.
    Elle s’éloigna de la fenêtre et s’approcha de la méridienne sans le regarder. Une fois assise, le dos appuyé au chevet du canapé, elle lui ordonna dans son plus bel italien de Florence :
    — Raconte-moi ce qui s’est passé au rio della Madonna dell’Orto.
    Son étui à cigarettes claqua comme un canif.
    — Je veux connaître le moindre détail.
    Le commissaire s’assit et lui fit un rapport circonstancié d’une vingtaine de minutes. Elle ne l’interrompit pas une fois. Il avait l’impression qu’elle inscrivait avec minutie chacune de ses paroles dans un carnet invisible. Lorsqu’il eut terminé, elle ferma les yeux et se tut pendant plusieurs minutes.
    Puis elle demanda :
    — Calderón tenait donc son revolver dans la main droite, c’est cela ? J’ai bien compris ?
    — Parfaitement. Son index appuyait même encore sur la détente. Bossi a tout pris en note. Nous n’avons malheureusement pas encore les moyens de réaliser des clichés criminalistiques.
    — Des clichés criminalistiques  ?
    — Laisse, dit-il, c’est sans importance.
    Elle fixa la pointe incandescente de sa cigarette. On aurait dit qu’elle étudiait des clichés criminalistiques imaginaires. Au bout d’un moment, elle reprit :
    — Le père Calderón ne t’a-t-il jamais donné la main ?
    — Si. Une ou deux fois.
    — Tu n’as rien remarqué ?
    Tron réfléchit un instant.
    — Il m’a toujours tendu la gauche parce qu’il tenait un chapelet dans la droite. Sans doute par…
    Il n’acheva pas sa phrase. Elle devina pourtant ses conjectures et secoua la tête.
    — Non. Pas pour des raisons religieuses.
    — Pour quelle raison, alors ?
    — Parce qu’il était paralysé, répondit-elle avec un sourire furieux. Il avait le plus grand mal à tenir un chapelet, mais il ne voulait pas que cela se sache.
    Le commissaire fixait la princesse, interloqué.
    — Tu te rends compte de ce que cela signifie ?
    — Qu’il n’était pas en mesure de tenir une arme dans la main droite, confirma-t-elle.
    — Mais donc… ?
    — Beust l’a tué, avança la princesse, puis il s’est éraflé le bras avec une deuxième arme qu’il s’est hâté de glisser dans la main de sa victime.
    Le commissaire éclata d’un rire amer.
    — Et quand nous sommes arrivés, il a joué une comédie remarquable – non sans avoir au préalable déposé l’enveloppe avec la photographie dans la table de nuit, ce qui ne lui aura pas pris plus de quelques secondes.
    Elle hocha la tête.
    — Il ignorait seulement que père Calderón ne pouvait pas se servir de la main droite, conclut-elle. La seule erreur d’un plan pour le reste parfait.
    — Donc, Beust

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