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Les Fils de France

Les Fils de France

Titel: Les Fils de France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Franck Ferrand
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des lettres d’amour... Des messages vitaux pour son frère, et qu’il avait sciemment escamotés.
    — Eh tavernier ! Ton meilleur vin pour mes amis !
    Sans lever les yeux, Simon reconnut cette voix de fanfaron aux accents d’Italie. Depuis l’installation de la Cour à Lyon, ce gentilhomme bravache entrait presque chaque jour à la Salamandre, sur les coups de quatre heures, avec un groupe d’amis qu’il dominait. « Eh tavernier... » Simon n’aimait pas ces valets de Cour imbus de l’importance de leurs maîtres, et qui, parce qu’ils portaient beau et possédaient quelques deniers, se croyaient tout permis en ville.
    — Parle moins haut ! lança-t-il assez fort pour être entendu.
    L’Italien ne releva pas ; il était jeune, insouciant et rieur ; un peu ce qu’avait pu être Simon – autrefois... Car si le Picard avait conservé, intacts, sa chevelure opulente et son beau sourire, les années ne l’avaient pas épargné par ailleurs. L’alcool, les veilles et – surtout – le remords, avaient voilé son regard, tavelé sa peau, creusé des sillons sur son visage.
    — Eh tavernier, ça vient, ce picrate ?
    — Boucle-la, marmiteux !
    L’insulte avait fusé trop vite, et Simon s’en voulait déjà. Mais il était trop tard. Le jeune Italien s’était levé ; dans un silence de mort, il s’approchait de l’insolent.
    — C’est à moi que vous parlez ?
    — Non, pourquoi ?
    — Nous nous connaissons ?
    — Peu importe.
    — Comte Sebastiano de Montecucculi de Montecucculo de Montfroc, de Ferrare, échanson de Mgr François, dauphin de Viennois et duc de Bretagne.
    — Serais-tu le duc de Bretagne en personne, que cela ne me ferait ni chaud, ni froid.
    Sur ce, Simon détourna le regard et vida sa chope. Il n’eut pas le loisir de la reposer : d’un coup de gant violent, l’Italien l’avait déjà projetée à l’autre bout de la salle.
    L’écuyer, se raidissant, saisit la dague effilée qu’il portait toujours à la ceinture. Le comte fit de même. Sous les regards anxieux de l’assistance, les deux adversaires se défiaient à présent du regard ; ils se jaugeaient, comme deux coqs de combat prêts à charger.
    — Par tous les diables, intervint l’aubergiste, pas de duel chez moi ! Vous m’entendez ?
    Mais les deux hommes n’entendaient plus rien. Ils se tenaient en respect, jusqu’à ce que bondît Montecucculi, bras en avant, la dague pointée vers les yeux de Coisay. Celui-ci profita du mouvement pour le faire trébucher ; il aurait pris le dessus, s’il n’avait lui-même dérapé sur une dalle trop lisse... Les duellistes furent vivement relevés, parés à l’attaque.
    — Vas-y, Sébastien, crève ce chien galeux !
    — Tue, tue !
    Autour d’eux, les clients de l’auberge – surtout des amis du comte – faisaient cercle et pariaient sans vergogne. La salle étant plongée dans la pénombre, il leur fallait écarquiller les yeux.
    — Dix écus sur le gamin, dix !
    — Douze sur l’ivrogne !
    Le gargotier s’efforça dès lors, avec ses commis, de mettre à l’abri tout ce qui pouvait l’être. Les duellistes se ruèrent de plus belle à l’assaut l’un de l’autre. Or, après quelques passes, une belle esquive, une empoignade assez virile et une estafilade au bras de Simon, l’Italien, quoique plus svelte, se trouva désarmé par le Français. Celui-ci le plaqua brutalement contre une porte et, approchant la pointe de sa dague, menaçait déjà de lui percer la gorge. Le combat n’avait pas duré trois minutes.
    Un silence pesant était retombé sur la salle. Personne n’osait prononcer le mot susceptible d’entraîner l’irréparable.
    Le jeune Ferrarais, les yeux rivés dans ceux de son vainqueur, suait maintenant à perles ; s’il résistait pour la forme, sa position désespérée n’autorisait guère d’espoir. Le Picard était littéralement plaqué sur lui, la pointe de son couteau prête à l’égorger. Ils restèrent un moment ainsi, dans une tension extrême – puis, sans qu’on pût s’y attendre, les deux hommes partirent, à peu près en même temps, d’un rire d’abord imperceptible mais qui, bientôt, désamorça toute lutte.
    Simon lâcha Sébastien pour rire plus à son aise, et celui-ci, comme après un simple jeu, alla jusqu’à lui décocher une bourrade.
    — Vous me voyez flatté ! dit le plus jeune entre deux secousses.
    — Tu peux l’être, articula l’autre.
    Les spectateurs, frustrés,

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