Les Fils de France
poussa plus ou moins à l’embrasser comme une sœur. Aussitôt des applaudissements crépitèrent, jusqu’à peupler la chambre d’un tumulte que jamais Henri ne devait oublier.
Ce bruit étrange et qui, d’avance, paraissait tout sceller, lui avait fait – il le dirait plus tard – un mal inexprimable.
Il y eut un premier banquet, passablement guindé, suivi d’un concert et d’une comédie ; puis un deuxième festin, à peine moins emprunté que l’autre... On dansa cette fois au sortir de table. Il y eut lecture des contrats, signature solennelle, échange des consentements... Il y eut aussi les serments sacrés prononcés devant le cardinal de Bourbon, et suivis d’un premier baiser des plus officiels, donnant le signal d’un nouveau bal. Et puis forcément, dans ce train sans fin de cérémonies, la bénédiction nuptiale en soi, célébrée par le pape et couronnée d’un troisième repas – plus détendu peut-être...
Enfin, il y eut la nuit de noces.
Ou comment exiger que deux adolescents, sur commande, consomment sous surveillance une union décidée pour eux... La petite épouse, conduite à sa chambre par la reine en personne, fut d’abord préparée par ses dames, déshabillée, ointe et parfumée, revêtue d’une chemise de sublimes dentelles, couchée, bordée comme une enfant. On fit ensuite entrer les dignitaires, puis le jeune mari lui-même, déjà en chemise. Le prince se glissa dans le lit très riche, couvert de brocards d’or, aux côtés de sa petite femme et, sachant ce que l’on attendait de lui, l’embrassa gentiment sur la bouche. Les deux jeunes gens rougirent, de gêne plus que de plaisir, et dans l’attente qu’on voulût bien fermer les rideaux du lit, s’échangèrent de chastes caresses sur les joues et les mains.
— Fort bien... suggéra finalement Henri, que la présence indiscrète de tout ce public exaspérait.
La jeune Catherine, pour sa part, souriait complaisamment. Son beau-père entra dans sa ruelle ; il aurait aimé que le Saint-Père assistât au coucher tout comme lui. Mais les camériers avaient jugé cette présence contraire à la bienséance.
— Mon fils, lança François de ce ton sonore qui, chez lui, trahissait de l’ébriété, montrez-vous vrai galant de France ! Et faites-nous, dès ce soir, des petits princes à foison !
L’assistance rit de bon cœur tandis qu’Henri, à bout de patience, respirait bruyamment.
— Le marié a-t-il bien tout ce qu’il faut ? demanda, ni très fort, ni tout bas, un gentilhomme de la suite de Catherine.
La remarque aurait pu passer inaperçue, mais le prince, obsédé par son infirmité 2 , le prit très mal – quoiqu’il n’en montrât rien. Enfin l’on tira les rideaux et, sur d’ultimes remarques salaces du roi, la foule finit par se retirer.
Henri, profondément triste, observait son épouse en silence. Comment, dans ce moment, ne pas songer à une autre ?
— Êtes-vous contente ?
Catherine lui répondit par un sourire de plus ; elle ne bougeait pas, ne disait rien. Elle attendait. Ils demeurèrent un long moment ainsi, sans un mot, sans un geste.
Puis le marié embrassa la mariée, plus tendrement ; il ôta sa chemise et repoussant le drap, lui révéla son corps d’athlète en herbe ; elle trouva son époux encore plus beau que dans ses rêves les moins sages et, soudain bouleversée, sentit monter en elle une tendresse, une gratitude, une félicité débordantes... Quant à lui, revenu de sa déception première, il trouvait à présent des joliesses à son épouse. Adorable cou, seins charmants, jambes exquises... Jamais encore il n’avait touché une femme. Surmontant sa peur – qui était grande – et se laissant gagner à son excitation – qui n’était pas moins forte, il hasarda ses mains sous la chemise de Catherine. Les deux jeunes gens, timidement, se découvraient...
Finalement, leur nuit de noces s’annonçait belle.
Dès l’aube, le pape était là, dans l’antichambre, qui demandait à constater en personne la consommation de l’union ! Non que le souverain pontife partageât les penchants égrillards du roi François, mais Clément se savait âgé et malade, et il redoutait que la maison de Médicis encourût le danger qu’après sa mort, la couronne de France ne revînt sur son choix et demandât l’annulation.
Impitoyable, il fit donc ouvrir dès sept heures les rideaux du lit nuptial.
— Eh bien, mes enfants...
Catherine et
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