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Les Fils de France

Les Fils de France

Titel: Les Fils de France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Franck Ferrand
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soupira. Ainsi, de nouvelles violences se préparaient contre ses semblables... Luthérien de conviction autant que par fidélité à la mémoire de son père, l’écuyer picard ne faisait pas mystère de son appartenance. Il avait rejoint d’autant plus facilement le service de Marguerite de Navarre, la sœur du roi, proche de la Réforme. C’est elle qui, d’ailleurs, l’avait rendu sensible à ces nouvelles poussées d’intolérance.
    — Je cherche l’Hôtel-Neuf, demanda-t-il à une marchande ambulante, qui croulait sous le poids d’un éventaire de choux.
    La bonne femme indiqua vaguement une trouée sur la gauche, sans gratifier l’écuyer d’un regard.
    — Sais-tu bien, seulement, où tu mets les pieds ? lui lança-t-elle cependant.
    Gautier ne jugea pas utile de répondre. La missive que lui avait confiée la reine de Navarre – reléguée pour l’heure en ses terres de Béarn – était à destination de la comtesse d’Étampes. Autant dire la maîtresse du roi !
    Et cela ne l’inquiétait pas le moins du monde.

    L’hôtel de la favorite 3 , avec ses croisées hautes et ses ornements italiens, se voulait un concentré d’innovations. Il faut dire qu’Anne d’Heilly, dame de Pisseleu, comtesse d’Étampes depuis son mariage arrangé avec un gentilhomme complaisant, cultivait cette alliance de la culture et du plaisir, du savoir et de la beauté, qui avait tant séduit le roi de France, jadis, à son retour d’Espagne.
    Une rumeur disait l’hôtel ensorcelé ; et le fait est qu’il y régnait un climat singulier. Dès le vestibule, les notes grêles d’un luth, la fragrance puissante d’orangers en caisse, la lumière de cent candélabres plongeait le visiteur dans l’impression d’un songe éveillé. Le saint des saints, évidemment, c’était la chambre de la comtesse : tout y était conçu pour fasciner les hôtes de passage : tentures épaisses aux teintes fortes et aux sujets étranges, coffres ouvragés à l’extrême, tapis de fourrure d’ours recouvrant tout le sol... Un feu d’enfer crépitait dans l’âtre.
    La favorite, ce soir-là, était allongée, comme en lévitation, sur un lit d’angle à baldaquin.
    Assis dos à la cheminée sur une sorte de trône, le grand amiral de France évoquait avec légèreté un sujet pourtant grave : celui des sanctions préparées par le Conseil en réplique à la récente provocation des « hérétiques ». Le beau seigneur, tout en égrenant les sentences, sirotait un vin de paille que lui servait, par petits verres, avec des précautions d’apothicaire, l’un des fous de la Cour appelé Briandas.
    — Enfin, conclut l’amiral, nous voilà bien malheureux !
    — Bien impuissants, précisa la favorite en caressant la courtepointe 2 d’hermine banche.
    — Je maintiens que le roi ne prend de telles mesures qu’à regret, et qu’il s’en faut de peu qu’il n’en abandonne la plupart. Il suffirait... d’un mot... de vous...
    — Vous oubliez la Vieille !
    Anne de Pisseleu réservait cette appellation à son ennemie intime – du reste sa rivale en beauté – la fameuse Diane de Brézé, veuve du grand sénéchal et défenseuse inflexible de la tradition.
    — Mme de Brézé, rectifia l’amiral, n’a pas le tiers de l’influence que vous lui prêtez.
    — Elle a trois fois plus de malice que vous ne lui en supposez. Saviez-vous qu’elle avait intrigué, naguère, pour la punition de Marot ? Notre bon, notre délicat poète Marot !
    Le grand amiral retint un bâillement : le sort des poètes ne le captivait guère. Il but une ultime rasade de vin de paille.
    — Ce qu’il faudrait, dit-il en rendant le verre, c’est concevoir un piège où nous la ferions trébucher – et Montmorency avec elle...
    — Oh oui, je vous en prie, trouvez-moi cela !
    En cet instant précis, la comtesse aurait pu, aux yeux d’un étranger, passer pour une incarnation du diable. Son huissier, entré sur la pointe des pieds, vint lui glisser un nom à l’oreille.
    — Je connais cet écuyer, dit-elle en se coulant hors du lit ; il est à la reine de Navarre.

    On fit entrer Gautier de Coisay, qui s’inclina respectueusement.
    Anne de Pisseleu passait sur ses épaules une longue chape constellée de perles véritables. Au reste, tout en elle se voulait précieux, du bleu lapis des yeux à l’or pur des cheveux et à la soie de la peau, fine et satinée. Quant à ses formes, on les aurait dites copiées de

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