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Les fleurs d'acier

Les fleurs d'acier

Titel: Les fleurs d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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bûcherai la goule !
    — Craignez rien, messire… Mais puisque vous parlez de porte, fermerons-nous celle de cette grange ? Veillerons-nous au-dehors ou au-dedans ?
    — Il pleut : nous resterons à couvert. D’ailleurs, si quelque événement se préparait n’aie crainte : Saladin nous préviendrait. Rentrons, il est grand temps d’éteindre la chandelle.
    Dans l’ombre, guère loin des chevaux paisibles, et tout près de Facebelle, Adelis et Bressolles étaient étendus, chacun sous sa couverture. En face, les hommes d’armes chuchotaient, la nuque appuyée sur leur selle. Briatexte les observait tout en ôtant les houseaux que Mathilde lui avait offerts. Saladin, après être allé flairer les jambes de Marchegai, s’en allait se coucher auprès d’Adelis.
    — Ainsi, vous allez veiller, Argouges, alors que vous avez un écuyer tout dévoué !
    Ce trait d’ironie décoché sans malice, Briatexte gravit lentement les degrés de l’escalier pour aller dormir dans le foin, tandis que Thierry, placide, s’approchait de la lanterne accrochée à une poutre et en soufflait la flamme.
     
    *
     
    Ténèbres. Le danger les imprégnait, moins redoutable que celui qui, pendant une quinzaine, avait emmaladi tous les êtres de Rechignac. Dormir eût dû être aisé désormais, or, Ogier n’y parvenait pas. Aux exaltations et frayeurs de la guerre s’étaient substituées celles de la fuite. Il se sentait les jambes faibles et le souffle oppressé. Ensuite du bonheur charnel de la victoire sur les Goddons succédait une sorte de paix impure. Il redouta qu’elle ne se rompît pour le précipiter dans de nouveaux malheurs. Jamais autant que lors de son combat contre Briatexte il ne s’était senti aussi robuste, aussi certain de dominer ses propres inquiétudes. Bonheur d’un moment que cette victoire : il n’en subsistait rien. Si court qu’il eût été depuis cet événement, le temps l’avait dépouillé de son plaisir comme il s’était, lui, dépouillé de ses mailles.
    Où Tancrède se trouvait-elle maintenant ? Les hommes de Guillaume l’avaient-ils attrapée ?… Non ! Cela ne se pouvait. Elle méritait d’être libre. Nul doute qu’elle aurait tôt fait, après dix ou vingt lieues d’un randon [19] qui les aurait épuisés, de signifier à Jean son congé.
    « Elle en aurait fait autant avec moi. »
    Peu importait la façon dont l’ancien portier, affaibli par ses blessures, accepterait la séparation. Il s’était cru admiré, sur le point d’être aimé alors qu’il n’était qu’un protecteur accessoire. Qui, d’ailleurs, Tancrède pouvait-elle aimer hormis elle-même ? Mais était-il possible qu’elle l’empêchât encore, lui, Ogier, de dormir ?
    Il n’osa s’avouer : « Elle me manque » sans parvenir à décider si Anne lui manquait aussi. Les déchirures qu’il sentait dans son esprit et son cœur concernaient également le grand château de son oncle si âprement défendu par lui et les autres. Déjà, leurs visages étaient moins nets, leurs voix, leurs rires, leurs pleurs s’étaient assourdis. Des émois, des remous provoqués par les assauts des hommes de Knolles, rien ne subsistait sauf le souvenir d’une bannière émergeant, il ne savait plus où et quand, du troupeau des assaillants : d’or à la fasce de gueules chargée de trois fleurs de lis [20] . Était-ce celle de l’Anglais ?
    À quoi bon s’interroger. Dans quelques semaines, son esprit serait nettoyé du souvenir de ces journées effrayantes. Rien n’y subsisterait des passions mortelles et des violences qu’elles avaient provoquées ; passions qui étaient au désir d’occire ce que les flammes étaient au feu.
    Les avait-il assouvies ? Oui, de tous ses muscles. Il s’était vivifié dans ces œuvres de mort. Désormais, malgré la présence de ses compagnons, il sentait autour de lui une espèce de vide.
    « Me voici réduit au chômage. À quoi vais-je employer mes jours, à Gratot ? »
    Décidément, le sommeil le fuyait. Nul ne remuait dans la grange. Saladin lui-même semblait avoir renoncé à s’étriller à grands coups de patte. Conservait-il en mémoire des scènes de ces jours et de ces nuits de sang ?
    « Et Anne ? »
    Était-elle sortie de la grotte où Thibaut l’avait emmenée ? Allait-elle reprendre ses activités de chambrière au château ? Non, sans doute, puisque Claresme et Tancrède s’en étaient allées. Elle avait choisi délibérément

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