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Les fleurs d'acier

Les fleurs d'acier

Titel: Les fleurs d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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devant un seul regard : le sien.
    Afin de la contempler d’aussi près que possible, il rampa, s’égratignant la poitrine et les bras. Il trouva la robe et la camisole pliées avec soin sur des herbes, et les pétrit, les huma pour se pénétrer de l’odeur de ce corps momentanément invisible. Il se coula, ensuite, le long d’un tronc abattu. Là, et comme des appels discrets, il entendit des clapotis et repartit plus doucement.
    « Qu’elle ne sache rien, surtout ! »
    Bressolles pressentait-il qu’Adelis était aussi belle ? L’aimait-il seulement d’esprit ? Avait-il le corps aussi insensible que les figures qu’il taillait dans le bois et la pierre ?
    Il y eut un froissement de feuillage, un bond, un cri.
    Adelis courait vers ses vêtements, pataugeant dans le flot inégal et rapide. Elle glissa et l’intrus l’empoigna :
    — Holà, ma belle !
    Il riait, ceinturant la fuyarde. Elle se défendait en cognant des pieds et des coudes.
    — Lâchez-moi !… Par grand-pitié, lâchez-moi !
    Il la serrait ; elle lui tournait toujours le dos, offrant à Ogier tapi dans son buisson tout l’avers ruisselant de son corps.
    — Lâchez-moi !
    D’une torsion des reins, Adelis se dégagea pour repousser son agresseur, mais Norbert empoigna promptement ses poignets :
    — Holà ! quelles façons… Sacredieu, ma putasse, tu te prends donc vraiment pour une dame ?
    — Lâchez-moi, je vous en supplie !
    — Par la Sainte Vierge sans doute, grande niaise ?… Ah ! m’amie, si tu veux frétiller plus encore, viens dans l’herbe sans barguigner !… T’étais moins fière – pas vrai ? – au bordeau de maître Anseaulme d’où ce pourri de Saint-Rémy t’avait tirée !
    Vacillants et furieux, ils s’empêtraient dans l’eau. Adelis résistait à cette force mâle décuplée par le désir.
    — Quinze jours que je t’ai guettée pendant ce siège ! Les femmes, les filles étaient toutes prises, ou peu s’en fallait… et toi tu te méfiais ! Jamais seule !… Toujours au chevet des eshanchés [21] et des mourants… Un soir, on a eu tant faim d’amour, Augignac et moi, qu’on a faute de mieux besogné la Bertine. Elle allait étendre du linge, la pitioune, mais c’est elle qui s’est étendue !
    — Gros porc !
    — Holà !… Tu veux une jouée pour t’apprendre le respect ? Te crois-tu devenue gentilfame ? Eh bien non, tu n’es que mômée [22] en icelle !
    Le charme s’effondrait. Ruines ternes, sordides : la chair réintégrait ses anciennes souillures. Ogier en suffoquait de rage : ce rustique avait tout gâché.
    — Allons, amène-toi !… Faut pas longtemps… Ils dorment tous encore, sauf Argouges : il chasse avec son chien… Toi, depuis que tu es des nôtres, je te guigne comme un trésor !… Mais ce damné maçon est toujours entre nous… Bon sang, faut voir comme il te ménage !
    Haletant, la joue contre un rameau piquant, la gorge tourmentée de spasmes douloureux, Ogier différait son intervention bien qu’il se sentît terriblement inclus dans cette scène. « Si cet herlos [23] ne la lâche pas, je l’occis ! » Adelis luttait toujours, mais faiblissait. La voix de Norbert devint aiguë et suppliante :
    — Hâtons-nous avant qu’ils se réveillent !… Et tu fermeras ta jolie bouche… Parce que si tu parles, je dirai que c’est toi, putain, qui m’as provoqué !
    Ogier n’hésita plus :
    — C’est moi qui le provoque !
    Il avait bondi. De l’eau jusqu’aux genoux, malade de dépit, sinon de jalousie, il chancelait dans le courant face au couple ahuri et disjoint. En même temps qu’il percevait l’humiliation d’Adelis, immobile dans le geste assez vain de la pudeur offensée, il lut au fond des yeux de Norbert une fureur dont il fut ulcéré. Refusant de céder à l’attrait de la turbulence, il dit simplement :
    — Partez, Adelis.
    Tache claire et fugitive, elle passa devant lui ; sans se retourner, il la devina grimpant sur la rive et courant vers ses vêtements.
    — Ainsi, Norbert, la petite Bertine, c’était toi !
    L’autre, les pouces crochetés à sa ceinture d’armes, hocha la tête. Une image insidieuse écœura Ogier :
    — Elle était jeunette… innocente, Bertine. Et elle a failli en mourir !
    — Ce serait bien meilleur, m’avait dit Augignac. Il est passé avant moi… Quant à cette fille, fallait me la laisser !… Si vous voulez savoir, c’était une des dix putains de

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