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Les fontaines de sang

Les fontaines de sang

Titel: Les fontaines de sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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impatiente d’entrevoir les nouveaux souverains. Parfois dans la rumeur un cheval hennissait ; l’on voyait se pencher sur son encolure une tête enchaperonnée ou coiffée d’un chapel de fer. Le tumulte et les cris devenaient plus intenses.
    – Au moins, compère, on la peut contempler !
    – Qui ou quoi ?
    – Cette belle devanture.
    Du menton, Archiac montrait la façade où Tristan voyait de mieux en mieux le tuf se ployer, s’amollir, se sublimer en corps immobiles et comme attentifs dans leurs draperies flottantes. Peu lui importait l’identité de ces figures en lesquelles une sève mystérieuse entretenait la vie. Il les considérait moins avec les yeux de la foi qu’avec son regard d’homme.
    – Cette grande et belle femme ne peut-être la Vierge, dit Archiac d’un ton aussi révérencieux que si la statue, justement, avait représenté la mère du Christ.
    Des bribes de ce qu’il avait appris naguère à Fontevrault, lors des longs mois d’une probation finalement insupportable, réintégrèrent la mémoire de Tristan. Il frotta ses joues hérissées d’une barbe gênante.
    – Non, dit-il, cette dame n’est point sainte Marie mais la reine de Saba… Belle comme une déesse… Et puis, là, si je ne m’égare, vous avez David sacré par Samuel… Salomon sacré par Nathan…
    – Bon sang, Castelreng, allons-nous entrer dans une synagogue ?
    – Comme en chacun de nous, ce n’est pas l’apparence extérieure mais le cœur qui importe. À l’intérieur, dans le chœur, justement, Dieu nous attend.
    – Voyez ces guerriers du ciel. Trouvez pas qu’ils sourient comme des ribaudes ?
    – Il paraît que les anges et les archanges n’ont pas de sexe… donques pas de tentations.
    – Est-ce des apôtres, ces barbus ?
    – Nobles et bienveillants, ce sont eux, en effet.
    Il fallait avancer, s’arrêter, vaciller d’un pied sur l’autre. Sous le bord de son chaperon noir, les yeux clairs d’Archiac ne cessaient d’observer les personnages de pierre comme pour découvrir dans les scènes qui les assemblaient quelques postures luxurieuses qui leur eussent conféré, sans doute, davantage d’humanité qu’ils n’en avaient.
    – Je commence à fondre, dit-il. Je plains ces pauvres archers du guet qu’on a disposés au coude à coude, de sorte qu’en cas de malheur, ils ne pourraient lâcher un trait. Ils doivent cuire dans leur fer comme des vide-coqs 24 dans une lèchefrite. Je me suis cointoyé du mieux que je l’ai pu… et vous aussi, à ce que je vois.
    Tristan restait vêtu comme sous son armure : un flotternel 25 de tiretaine cramoisie. Entre ses fins souliers et ses hauts-de-chausses, des tijuels 26 de coton, l’un gris, l’autre vermeil, serraient ses jambes lasses.
    – Je suis sans frisqueté 27 , Archiac… Un huron de la tête aux orteils.
    « Encore heureux », songea-t-il, « que l’Alemant m’ait obtenu une chambre au Bœuf noir et que mon coursier ait à l’écurie de quoi reprendre des forces ! »
    –  Il me semble entrevoir l’Archiprêtre.
    – Cela m’étonnerait.
    – Et pourquoi, Castelreng ? Était-il à Cocherel ?
    – Certes… Avant la bataille.
    Fouquant d’Archiac eut le rire bref d’un homme que les manquements d’Arnaud de Cervole ne pouvaient plus ébahir – et encore moins scandaliser.
    – Je fus longtemps, dit-il, son dévoué compère. Nous avons suivi ensemble, récemment, le comte de Tancarville en Bourgogne. Je les ai quittés… Quand l’Aquitaine cessera d’être anglaise, j’y reviendrai. En attendant, je vais de joute en joute, de tendron en tendron.
    Voyant que son voisin ne croyait rien de ce dernier propos, il reprit son sérieux :
    – Savez-vous ce qu’on dit ?… Que Charles V veut envoyer en Espagne, avec les Compagnies, les Fleurs de notre Chevalerie, Guesclin en tête.
    – Parmi ces Fleurs, Guesclin ne sera qu’un chardon. Cependant, je vous accorde qu’il se réjouit toujours d’avoir à batailler. S’il pouvait en décider, il s’offrirait une échauffourée chaque jour : il aime le sang plus que la soupe au vin… Et pourquoi, selon vous, irions-nous en Espagne ?
    – Pour soutenir Henri de Trastamare contre Pedro de Castille.
    Ils avancèrent de quelques pas. Derrière, on les poussa. C’étaient des clercs aux bures mouillées de sueur que l’envie démangeait d’être à l’ombre.
    –  Quot capita, tôt sensus ! enragea l’un d’eux.
    – J’aimerais, dit

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