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Les guerriers fauves

Les guerriers fauves

Titel: Les guerriers fauves Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Viviane Moore
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patrouille pénétrer dans une cour où s’entraînaient de jeunes recrues. On n’entendait que leurs cris, les jurons de leur sergent, le fracas des épées et des boucliers entrechoqués.
    — Vous autres, portez-moi le gamin au cachot des morts et prévenez le frère infirmier à l’hôtel-Dieu ! ordonna Eudes.
    Il entraîna la fillette, ouvrit une porte et la poussa devant lui dans un couloir sans fenêtre qu’éclairait la lueur d’une torche. La gamine hésita.
    — Avance ! dit-il. Suis le chien.
    Ils repartirent et, enfin, la bête grise s’arrêta devant une porte de chêne cloutée. Eudes l’ouvrit avec la clé qu’il portait à la taille et poussa l’enfant à l’intérieur.
    — Nous voilà chez moi !
    On sentait de la satisfaction dans sa voix alors qu’il prononçait ces mots. La pièce était petite et avait pour seule fenêtre une étroite ouverture, mais un bon feu y brûlait et des torches fichées dans les murs l’illuminaient. Une odeur d’encens dissipait les relents d’urine et de sueur qui régnaient partout ailleurs dans la maison forte. Dans un angle se trouvaient un lit de camp recouvert de peaux de mouton et un tapis de jonc sur lequel le grand chien s’allongea. Près de la cheminée, sur une table à tréteaux, étaient posés des parchemins et une écritoire.
    L’enfant restait plantée au milieu de la chambre, indécise. Eudes saisit un des fauteuils pliants qu’il ouvrit devant l’âtre et lui fit signe d’approcher :
    — Viens t’asseoir. Quel est ton nom ?
    La fillette obéit, puis une fois installée sur le siège trop haut pour elle, ses jambes se balançant dans le vide, elle lâcha d’une voix sourde :
    — Erika.
    — Bien, Erika. Mon nom à moi, c’est Eudes, et comme tu le sais peut-être, je suis ton prévôt. Lui, c’est Tara. Une bête abandonnée par un équipage irlandais, un chasseur de loups dans leur île, là-bas. Les gens d’ici en avaient peur et ils voulaient le tuer. Je l’ai sauvé, depuis il me suit partout. Son seul défaut, c’est la faim. Il mange autant qu’un homme.
    La gamine hocha la tête. Elle avait déjà vu le soldat sur le port avec son chien. Les gens s’écartaient devant le grand animal au museau recouvert d’un masque noir et aux brillants yeux vairons.
    Le prévôt sentit qu’elle s’était calmée. Il questionna :
    — Est-ce que tu connaissais le garçon qui est mort ?
    La fillette secoua négativement la tête, puis ajouta, en fronçant les sourcils :
    — Pour dire le vrai, j’l’as pas bien vu.
    — C’est aussi ce qu’il me semblait. Nous irons le regarder ensemble si tu veux bien, et après tu pourras repartir. Quel travail fais-tu ?
    À cette question, la petite se redressa fièrement.
    — J’aide à l’hôtel-Dieu. Je sais coudre et tisser aussi.
    — Et tes parents ?
    — Mon père est mort en mer, ma mère est lavandière. On habite près de l’église Saint-Nicolas avec grand-mère.
    Le prévôt s’était tu, la lueur du feu éclairait son visage fatigué. Il tendit les mains vers la chaleur, fixant les flammes. Le cadavre du gamin était le troisième en cinq jours. Et à Barfleur, faire justice était difficile, voire impossible. Comme dans tous les ports hauturiers, il y avait trop de marins, de marchands, de pèlerins de toutes sortes. Trop de passage. Il savait déjà que, comme tant d’autres, ce crime-là resterait impuni.
    — Tu ne vas plus essayer de t’échapper ? finit-il par demander, la voix lasse.
    — Non.
    — Alors viens, nous allons voir si le visage de ce garçon te rappelle quelque chose. Tara, tu restes là !
    L’animal, qui s’était levé en les voyant se diriger vers la porte, se rassit aussitôt.
    Ils sortirent, croisant un soldat qui venait à leur rencontre.
    — J’allais vous prévenir, messire prévôt, fit-il. Le frère infirmier est arrivé. Il vous attend en bas.
    — Bien, bien. Avance, petite, et prends l’escalier sur ta droite. Oui, là, c’est ça.
    Ils descendirent des marches ruisselantes d’humidité qui menaient à la partie souterraine de la prévôté. Des gardes s’écartèrent pour les laisser passer et ils entrèrent dans un ancien cachot aux murs recouverts de salpêtre. L’endroit servait à entreposer les cadavres des tueries de toutes sortes qui ensanglantaient périodiquement le port. Une torche éclairait les tables sur lesquelles reposaient des formes recouvertes de linceuls gris. Au fond, près

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