Les guerriers fauves
destriers soufflant et frappant le sol du bout de leurs sabots ferrés.
— Qui va là ? fit l’un des chevaliers.
— Ami ! répondit Tancrède. Paix sur vous, messire templier. Je ne suis point d’ici et je cherche mon chemin.
— Il n’y a que les voleurs et les assassins à se promener en ville à cette heure.
— Je puis vous assurer que je ne suis ni l’un ni l’autre. Nous cherchons, mon camarade et moi, à rejoindre le port.
Le templier poussa son cheval d’un mouvement de talon et s’approcha du jeune homme, essayant de discerner son visage dans la pénombre.
— Ce n’est pas une heure pour errer dans la ville et vous êtes bien loin du port. Où étiez-vous en ville ?
— Dans une étuve, messire templier. Mais je ne saurais vous dire où. Je ne connais pas la ville, c’est mon compagnon qui me servait de guide.
— Il est blessé ?
— Non, messire, il dort.
— De quelle étuve parlez-vous ? Et comment celui-là peut-il vous servir de guide dans cet état-là ?
— Mais je...
— Vous avez de la chance de n’être pas tombé sur les hommes du prévôt ! Vous allez nous suivre. Quel est votre nom ?
— Sire Tancrède, et lui, c’est Giovanni Délia Luna. Nous sommes arrivés dans les bateaux qui se sont amarrés ce matin à la Grande-Rive, le knörr et l’esnèque aux armes du roi Henri II.
Le chevalier du Temple ne prêta aucune attention à ses propos. Un autre cavalier l’avait rejoint, ils parlaient entre eux. Il revint vers Tancrède, désignant Giovanni.
— Je vais le prendre en selle devant moi.
— Nous devons rejoindre le port, protesta Tancrède.
— Je ne crois pas que vous ayez le choix.
Tancrède saisit le Lombard qui dormait toujours et, d’un coup de reins, le hissa en travers de la selle du templier.
Les autres cavaliers l’avaient entouré. Il n’avait plus d’autre choix que d’obéir. Rien ne ressemblait à ce qu’il avait imaginé pour cette escale, ni la beuverie dans les auberges, ni son réveil à l’étuve avec la Doucette à ses côtés, ni son arrestation par les moines-soldats.
— Allons-y ! ordonna le premier chevalier. Notre doyen voudra vous voir. Et il n’est pas homme de patience.
— Mais je ne...
— Avancez !
Il recula devant le poitrail du destrier et se remit en marche. Les premiers rayons du soleil passaient au-dessus des remparts. La ville s’éveillait enfin et Tancrède se sentit soulagé comme si un poids s’enlevait de sa poitrine. Avec le jour, tout allait rentrer dans l’ordre. Les templiers les relâcheraient et il retrouverait Hugues. Ses pensées se tournèrent vers son maître. Il revoyait ce regard mêlé d’affection et de fierté qu’il posait parfois sur lui. Hugues lui avait tant donné sans rien exiger en retour...
— Plus vite ! ordonna le templier, interrompant le cours de ses pensées.
Des fenêtres et des auvents s’ouvraient. Un colporteur, sa hotte sur le dos, sortit d’une venelle et salua les templiers. Puis il regarda le jeune homme et fit la grimace.
— L’avez eu ? fit-il en crachant devant Tancrède. Faut le tuer comme une bête !
L’un des templiers écarta le colporteur du bout de sa lance.
— Allez, répéta le chevalier, si vous ne voulez pas que d’autres vous saluent de la même manière.
Un sentiment de malaise envahit le jeune homme qui accéléra le pas. Que se passait-il ici qu’il ignorait ? Pourquoi cet homme l’avait-il regardé avec cet air de dégoût et de haine ? Quelques instants plus tard, ils arrivaient devant le portail de la rue du Temple.
Un des chevaliers sauta à terre, frappant sur la porte close qui s’ouvrit aussitôt à l’énoncé de son nom.
Les cavaliers entrèrent dans une cour où se dressait une chapelle de pierre.
— Si tu veux prier la Madeleine, c’est ici, fit le templier en mettant pied à terre et en donnant ses rênes à un écuyer.
Près des écuries, des chevaux fraîchement harnachés attendaient, ainsi que d’autres moines-soldats et des sergents en armes.
— Vous l’avez trouvé, mon frère ? demanda un chevalier.
— Je l’espère, répondit le moine tout en désignant Giovanni à l’un des sergents. Portez celui-là à l’infirmerie et ne le quittez pas des yeux.
Le chevalier prit le bras de Tancrède et l’entraîna vers des bâtiments longs et bas. Ils entrèrent dans l’un d’eux, remontèrent un corridor et débouchèrent dans une salle basse.
— Attendez-moi
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