Les guerriers fauves
marques ?
— Hormis celles que je viens de vous énumérer, aucune. Par contre...
Le moine hésita.
— J’ai trouvé ceci dans le poing fermé du petit Gabik.
Frère Itier tendit à l’Oriental une médaille qu’il alla examiner à la lueur des flammes avant de la faire passer aux autres.
— L’enfant ne portait pas de bijoux, ceci devait appartenir à son agresseur. Voilà tout ce que je peux vous dire, messire. Si vous n’avez plus besoin de moi, il faut que je retourne à l’aumônerie, mes malades m’attendent.
— Merci, mon frère.
Le commandeur raccompagna le moine à la porte, puis retourna s’asseoir près du viguier non sans avoir, au passage, rendu le pendentif à Hugues.
— Une simple médaille en étain, remarqua le prévôt.
— Oui, mais d’origine byzantine, avec d’un côté les poissons, symboles chrétiens, et de l’autre le carré magique et le nom du Christ. Une amulette comme celles qu’interdit l’Église.
— Tout le monde en porte quand même. Vous semblez soucieux, messire de Tarse ?
— J’essaye de comprendre ce qui a pu se passer entre la victime et son assassin.
— Je vous avouerai, déclara soudain le viguier, que, les Bretons ne seraient pas si mécontents, je ne m’en soucierais pas tant.
Le silence retomba entre les hommes. Hugues continuait à regarder l’amulette, se demandant où il en avait vu une pareille. Mais Nicolas de Ciré avait raison, amulettes, reliques, médailles, même sur les bateaux tout le monde en portait : Corato, Pique la Lune, le pèlerin de Saint-Jacques, Eleonor, le stirman... Le monde devenait superstitieux. Seulement celle-là lui rappelait quelque chose ou quelqu’un. L’image s’évanouit... Un soldat venait d’entrer dans la pièce.
— Un message en provenance du Temple pour vous, annonça l’homme d’armes en s’inclinant devant le commandeur du Temple.
— Donnez ! Donnez !
Il lut la missive, puis releva la tête.
— On m’avise, messires, annonça-t-il, que la patrouille a capturé deux hommes et qu’il y a tout lieu de croire que ce sont les coupables. Je vais ordonner qu’on nous les amène sous bonne escorte.
— Voilà une bonne nouvelle ! s’écria le prévôt. Mais nous ne nous attendions pas à avoir deux meurtriers au lieu d’un.
— Nous aviserons, fit le viguier. D’ici là, j’aimerais, avant qu’ils arrivent, que le sire de Tarse interroge la vieille femme que vous avez fait conduire chez moi.
Le prévôt alla à la porte qu’il ouvrit.
— Amenez-nous la mère Pendille ! ordonna-t-il à l’homme de garde.
46
La pauvresse s’arrêta sur le seuil. Vêtue de haillons dont l’odeur putride emplissait déjà la pièce, le visage noirci par la crasse, les cheveux emmêlés et pleins de vermine, elle ne paraissait nullement intimidée de se trouver devant tant de notables, plutôt mécontente. Hugues quitta la cheminée et vint à sa rencontre. Elle esquissa un mouvement de recul.
— Un Maure ! s’écria-t-elle. Me touchez pas !
— Je n’en avais pas l’intention, affirma l’Oriental en lui désignant un tabouret près de l’âtre. Asseyez-vous !
La voix était ferme et, après un regard vers les visages sévères des hommes présents dans la salle, la vieille obtempéra en maugréant.
— On m’a dit qu’on vous surnommait la mère Pendille, déclara l’Oriental. Avez-vous un autre nom ?
La femme le regarda comme si sa question était incongrue, puis finit par marmonner :
— Y a longtemps, j’étais Girème. C’était mon nom.
— Eh bien, Girème, j’ai des questions à vous poser.
— Manquait plus que ça. Si c’est ça de rendre service, bougonna la vieille. C’est quand même grâce à moi si la patrouille, elle est venue ! Se faire questionner comme si on avait fait le mal !
Sans prêter attention à ses jérémiades, Hugues reprit :
— Revenons en arrière, Girème. La nuit n’est pas encore tombée, vous entendez des appels à l’aide dans la maison voisine. Une patrouille passe dans une ruelle non loin de là. Vous courez la chercher en disant qu’on assassine quelqu’un. C’est cela ?
La pauvresse tendait un moignon de main vers les flammes.
— Oui. Savez, c’est drôle, ajouta-t-elle en fixant Hugues qui l’observait, c’est là où j’ai plus de main que j’ai le plus froid aux doigts !
— Bon, vous prévenez la patrouille et c’est tout à votre honneur, même si les hommes du prévôt
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