Les joyaux de la sorcière
foule dans les allées et autour d’un pavillon de toile blanche rayée de jaune planté au milieu de l’herbe verte où de nombreuses tables juponnées de lin brodé étaient disposées. À l’entrée deux serviteurs en livrées blanches s’occupaient de vérifier les invitations des occupants d’une limousine grenat.
— Allons bon ! Une garden-party ! soupira Aldo. Ton entretien à cœur ouvert n’est pas pour aujourd’hui.
— On pourrait essayer d’entrer ?
— Sans invitation ou sans être accompagné, n’y compte pas ! Regarde plutôt les deux préposés à la grille ! Le charme de ce pays dit de la Liberté est que les cloisonnements y sont plus sévères que n’importe où. Tu veux essayer ?
— Bien sûr ! Qui ne risque rien…
La limousine roulant alors vers les garages, Adalbert engagea la Ford dans l’allée d’entrée et l’arrêta entre les deux préposés qui avec ensemble se penchèrent vers les portières.
— Vos invitations, Messieurs ?
— Nous venons d’arriver à Newport et nous n’en avons pas, dit Aldo avec toute l’autorité dont il était capable. Nous sommes des amis de Miss Forsythe et nous avons besoin de lui parler !
— Désolé, Monsieur, mais sans invitation vous n’entrerez pas.
Deux billets verts apparurent entre les doigts de Morosini :
— Ceci ne peut-il les remplacer ?
À sa surprise le visage de l’homme se ferma :
— Certainement pas, Monsieur. Veuillez faire demi-tour !
— Nous venons de vous dire que nous voulions parler à Miss Forsythe, relaya Adalbert. Que l’un de vous fasse au moins l’effort d’aller la prévenir. Nous sommes…
— Inutile ! Nos ordres sont formels : nous ne devons en aucun cas abandonner notre poste ni laisser entrer sans le carton bleu.
— Les ordres de qui ? De Monsieur Schwob ?
— Non. De Mr Ricci. C’est aujourd’hui son thé de fiançailles.
— Un thé ? fit Aldo dédaigneux. D’habitude on donne un dîner ? Ses affaires sont si mauvaises ?
— Non mais étant donné son veuvage relativement récent, il a décidé de faire les choses plus simplement et il ne reçoit que les intimes. Veuillez à présent circuler sans nous obliger à réclamer de l’aide.
Sans insister Adalbert fit reculer la voiture jusqu’à la route qu’il reprit en sens inverse :
— Je ne sais pas si tu as remarqué mais sous sa livrée à l’ancienne ce larbin avait un pistolet ?
— L’autre aussi ! Décidément Ricci tient à préserver son « intimité ». Il est vrai que quand on y admet quelque deux cents personnes on comprend que cela nécessite du monde. Il ne nous reste plus qu’à attendre le bal Belmont et, pour commencer, aller chez le Chinois !
— Et dès la nuit tombée, on retourne au Palazzo. Ricci ne va certainement pas rentrer se coucher à sept heures du soir !
La première partie du programme se déroula sans difficultés. On passa commande de deux costumes après quoi Aldo décida d’aller prendre le « thé » à la White Horse Tavern. Il n’avait pas revu Ted Mawes depuis que celui-ci l’avait autant dire fichu à la porte et il voulait prendre la température de l’aubergiste.
Il s’attendait à une réception impersonnelle, voire glaciale or il n’en fut rien. À peine eut-il fait choix d’une table à l’écart du bar que Ted lui-même repoussant la serveuse qui se présentait s’approcha en disant qu’il allait prendre la commande.
— Je suis content que vous soyez venu, dit-il, parce qu’il faut que je vous parle. Mais auparavant je dois vous demander de m’excuser pour l’autre jour. Mon attitude était indigne de moi et des traditions de la Tavern.
Il semblait si sincèrement désolé qu’Aldo lui tendit la main spontanément :
— N’y pensez plus et buvez quelque chose avec nous ! Je vous présente Monsieur Vidal-Pellicorne, mon ami et mon… associé. Je suppose qu’à cette heure ce sera du thé ?
— Difficile de faire autrement. Trois thés, Nancy ! brailla-t-il en s’installant sur le banc à côté d’Adalbert. Puis, plus bas, il ajouta « La vérité est que j’ai vraiment eu la trouille ce matin-là… Voyez-vous, quand on l’a emmené au bateau j’ai cru voir une ombre… »
— Pourquoi ne l’avoir pas dit ?
— Parce que je pouvais aussi bien avoir rêvé. On avait pas mal bu ce soir-là mais quoi qu’il en soit j’ai ressenti une irrésistible envie de me sortir de tout ça et de
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