Les joyaux de la sorcière
Aldo. Il fait un temps idéal…
— En ce cas prenez toutes les voitures ou les chevaux que vous voudrez ! clama John-Augustus en rentrant dans la maison. Vous êtes chez vous… J’irais bien avec vous mais il faut que je me trouve un costume ! Cette dinde possède le rare talent de vous casser les oreilles avec un sujet sans rien vous dire de l’essentiel ! Et vous devriez vous aussi aller faire un tour chez Tong Li.
— Nous irons dès ce soir, promit Aldo. Mais, à propos de ce bal, me trouveriez-vous indiscret si je vous demandais qui y sera ?
— Pas du tout… À peu près la totalité du gratin de l’île.
— Sauf les Astor, j’imagine ?
— Sauf Alice Astor ! rectifia la baronne, que Cynthia et moi, pour une fois d’accord, détestons à l’unisson mais Ava sera présente… déguisée en reine. Vous devinez laquelle ?
— Marie-Antoinette ?
— Gagné ! L’inconvénient est qu’il y en aura peut-être deux ou trois autres mais cela mettra un peu… d’animation.
— Les Schwob sont-ils invités ?
— Il est impossible de les laisser de côté… Je devine ce que vous avez derrière la tête, mon cher Aldo : vous voulez savoir si Ricci et sa dernière fiancée les accompagneront ? Dès l’instant où elle habite les « Oaks » elle fait partie de la famille et naturellement ils l’amèneront. En conséquence Ricci sera du lot ! À quoi pensez-vous ?
— À rien de très précis mais je crois que la rencontre pourrait être intéressante. À ce soir, baronne.
Après sa nuit de prison, Adalbert se serait volontiers abandonné à la tentation d’aller faire un somme mais, sa curiosité étant, elle, bien éveillée, il opta pour la balade à condition que ce ne soit pas à cheval. Il « montait » convenablement – éducation oblige ! – mais n’avait jamais vraiment compris quel plaisir on pouvait éprouver à se laisser secouer durant des heures sur le dos d’un animal fantasque dont on ne pouvait être sûr qu’il n’allait pas, sur un coup de tête, se débarrasser de vous dans une haie ou un fossé boueux à des kilomètres de toute habitation avant de s’en retourner tranquillement à son écurie. En revanche il adorait les chevaux-vapeur et depuis son départ de Paris ne cessait de regretter sa chère Amilcar rouge, teigneuse et pétaradante à souhait.
Dans le garage où s’alignaient une demi-douzaine de luxueuses bagnoles, il opta sans hésiter pour la plus modeste, un roadster Ford gris gainé de cuir bordeaux au volant duquel il s’installa avec une telle satisfaction qu’Aldo se garda de lui disputer la place : il se contenterait du rôle de navigateur. En un quart d’heure on fut en vue du Palazzo Ricci.
L’endroit pour une fois n’était pas désert grâce à l’énorme pique-nique qui avait lieu dans la propriété la plus proche. L’air était empli de l’odeur des viandes rôties et du charbon de bois et au travers des arbres on pouvait voir s’agiter des hommes et des femmes en tenues claires. Il y avait aussi du monde sur la route : des curieux à pied ou à bicyclette. Ainsi que des invités retardataires. Adalbert rangea la voiture, stoppa le moteur et suivit Aldo déjà descendu.
Ils se trouvaient sur l’arrière du Palazzo défendu par une imposante grille ouvragée à travers laquelle on pouvait constater l’agitation qui y régnait. Les fenêtres étaient ouvertes pour un nettoyage à grande échelle. Des laveurs de carreaux étaient à l’œuvre et par moments, le vacarme des aspirateurs couvrait les échos du jazz. On nettoyait également les statues, les fontaines des jardins et de la terrasse où des hommes alignaient les orangers en pots couverts de fruits.
— Tu crois que ce sont les préparatifs du mariage ? demanda Adalbert.
— Cela y ressemble fort. La dernière fois que je suis venu on aurait pu croire le palais abandonné alors qu’il y avait du monde à l’intérieur…
Le rugissement d’un klaxon lui coupa la parole et le fit s’écarter de la grille afin de livrer passage à la camionnette de l’épicier tellement chargée que ses portes arrière entrouvertes étaient retenues par des cordes. Poli, le chauffeur toucha sa casquette en passant près d’eux puis se dirigea vers l’entrée des cuisines.
— Descendons pour voir l’autre façade, dit Aldo. Je voudrais vérifier…
Ils longèrent le mur qui suivait la pente du terrain jusqu’à la plage déserte d’où
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