Les "Larmes" De Marie-Antoinette
que vous seriez le messager. Jusque-là vous deviez seulement m’autoriser à prendre vos sacrés joyaux !
— S’il n’y avait que les miens je n’y verrais pas d’inconvénient mais je me refuse à emporter le collier de perles !
— Alors, on ne vous remettra pas M lle Autié. L’homme a été formel : c’est tout ou rien ! À vous de voir !
— Il y a quelque chose qui cloche. Au point où nous en sommes, pourquoi ne vous a-t-on pas demandé aussi le diadème de lady Craven et le collier de la duchesse de Sutherland ?
— D’après ce que j’ai lu dans le catalogue, ils n’ont jamais été portés par Marie-Antoinette puisque certaines de leurs pierres viennent du fameux collier volé par La Motte. Ce doit être un sentimental.
Il avait raison, ce qui augmenta l’irritation de Morosini, furieux d’être battu sur son propre terrain par cette simple évidence. Il savait, en outre, que discuter ne servirait à rien et qu’à présent c’était sur lui seul que reposait la vie de Caroline Autié. Et c’était affreusement désagréable…
Refermant les écrins il les remit dans la serviette.
— Bon ! fit-il calmement. Vous avez gagné ! Au cas où je ne reviendrais pas, j’espère que vous trouverez des paroles convaincantes pour ma famille… Et aussi pour Scotland Yard ! Je n’aimerais pas être à votre place !
— Toujours le goût du drame, hein ? Vous êtes bien italien !… Il n’y a aucune raison pour que vous y laissiez votre peau ! Vous êtes seulement chargé de remettre ça contre une jeune fille ! Le premier imbécile venu saurait le faire…
— Pourquoi ne pas le faire vous-même alors ? Et je ne suis pas italien, veuillez le noter !
— Ah non ? Et c’est où Venise ? En Russie ?
— En Vénétie ! Cela fait toute la différence. Nous sommes toujours la Sérénissime République et n’acceptons pas l’Italie des fascistes ! Sur cette mise au point, que dois-je faire ?
— Prendre la serviette et aller jusqu’à la porte Saint-Antoine. Je vais vous escorter.
— Que d’honneurs ! Vous êtes trop généreux !
Côte à côte les deux hommes descendirent l’escalier et prirent place dans la voiture, qui se mit en marche aussitôt. Le trajet n’était pas long – cinq cents mètres environ. À la porte Saint-Antoine, le gardien, avant d’ouvrir la grille devant eux, vint remettre une clef au commissaire :
— La Citroën qui est à main gauche, sous les arbres, dit-il.
— Qui vous l’a remise ?
— Un homme avec de grosses lunettes, habillé de cuir comme un motocycliste avec casque et gants. Il a dit que vous trouveriez ce qu’il faut à l’intérieur puis il est parti et un instant après j’ai, en effet, entendu démarrer une moto qui retournait vers la ville.
— C’est bon. Ouvrez ! Ensuite vous pourrez aller vous coucher. C’est terminé pour ce soir !
Ainsi qu’il l’avait indiqué, une voiture grise, banale, attendait tous feux éteints et tournée en direction de Saint-Germain-en-Laye. Sur le siège du conducteur, il y avait une lampe électrique et une carte routière pliée… Deux croix rouges étaient tracées dessus : une flèche désignait la première avec l’inscription « Vous êtes ici » et l’autre indiquait un carrefour à la limite de Rocquencourt et de Bailly dont Lemercier releva soigneusement l’emplacement sur son carnet en ricanant :
— C’est gentil de se montrer aussi précis !
— Ne rêvez pas ! Je serais fort étonné si ma course s’arrêtait là…, fit Aldo avec un haussement d’épaules. Vous pouvez être certain que ses précautions sont prises !
— Ne me prenez pas pour un idiot ! Je m’en doute ! En attendant voilà le sac ! Filez !
Aldo s’installa au volant, la serviette posée à côté de lui, alluma ses phares et démarra salué par un « Bonne chance ! » dont il n’était pas sûr qu’il soit sincère… De toute façon il n’en avait pas besoin. Dès l’instant où l’action était engagée, le vieux démon de l’aventure le reprenait et lui soufflait que son rôle pourrait ne pas se limiter à celui d’un simple livreur ainsi que se le figurait si commodément un policier dont l’imagination ne semblait pas être la vertu première…
Cette expédition lui en rappelait une autre qui s’était située à peu de chose près dans la même région. Il se revoyait, une nuit, prenant le volant de la superbe Rolls d’Éric
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