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Les "Larmes" De Marie-Antoinette

Les "Larmes" De Marie-Antoinette

Titel: Les "Larmes" De Marie-Antoinette Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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de n’inquiéter la vieille dame qu’en cas d’absolue nécessité.
    Par la suite, Adalbert devait se souvenir de cette séance de bridge comme d’une sorte de cauchemar. Jamais il n’avait joué aussi mal alors qu’en temps habituel il était d’une assez jolie force. Il perdit tout ce qu’il voulut et s’en excusa auprès de ses différents partenaires. Le plus malmené fut Crawford : tant qu’il eut l’Écossais en face de lui, Adalbert lutta contre l’envie de lui demander ce que faisait l’une des fameuses larmes de Marie-Antoinette dans la boîte à coton hydrophile de sa femme. Seule l’idée qu’il n’en savait peut-être pas plus que lui sur la question le retint mais la tentation était grande. À mesure que le temps passait à l’élégante horloge de parquet – souvenir du palais qui avait dû connaître les soins de l’industrieux Caron de Beaumarchais –, son énervement montait au diapason de son angoisse. Finalement il n’y tint plus : jetant ses cartes, il se leva et se mit à marcher dans la pièce avec agitation :
    — Veuillez m’excuser tous ! exhala-t-il avec la fumée de la cigarette qu’il venait d’allumer, vous avez dû vous apercevoir que je ne suis bon à rien ce soir !
    — Vous voulez dire ce matin ? fit Olivier de Malden en allant tirer les rideaux sur la plus radieuse des aurores. Il est cinq heures, messieurs. Quant à votre qualité de jeu, mon cher ami, elle a été moins mauvaise que vous ne le pensez pour la bonne raison que, tous, nous avons joué en dépit du bon sens. On ne va pas faire les comptes parce que je ne suis même pas certain que nous ayons joué au bridge. C’était du n’importe quoi ! Ah, Clothilde ! ajouta-t-il à l’adresse de sa femme qui entrait suivie d’un valet porteur d’un substantiel petit déjeuner, vous pensez toujours à tout ! Même que nous avons besoin de réconfort. Mais comment êtes-vous debout à pareille heure ?
    — Simplement parce que je ne me suis pas couchée, répondit-elle en étalant une nappe blanche sur la table de bridge. Il était temps de vous apporter quelque chose de plus consistant que le contenu de ces bouteilles, ajouta-t-elle en désignant le cabaret aux verres anciens posé sur une console et dont les deux flacons s’étaient vidés au fil des heures. J’avais pensé à vous servir une soupe à l’oignon mais il y avait là un côté festif peu en rapport avec ce que vous vivez. Alors, café au lait ou chocolat ? Choisissez ! À présent je vous laisse !
    Ce qu’elle leur offrait était si appétissant qu’ils reprirent leurs places pour y faire honneur. Adalbert surtout débordait de reconnaissance. Il se sentait comme un enfant apeuré qu’une bonne fée vient prendre par la main pour lui offrir le réconfort de son amitié. Pendant un moment ils mangèrent en silence tandis que diminuait le contenu des corbeilles de croissants, pains au lait, muffins et scones. Sans doute en l’honneur de l’Écossais !
    Enfin, le général vida sa tasse, la posa et, après s’être essuyé les moustaches :
    — Vous ne trouvez pas que c’est un peu long pour un échange ? Je commence à craindre le pire, tonnerre de Dieu !
    — Moi, il y a longtemps que j’ai commencé ! Et ce satané commissaire qui n’appelle pas ! Je crois que je vais y retourner !
    — Cela ne vous avancera à rien, sinon à faire les frais de son mauvais caractère ! dit Crawford avec une grimace de douleur parce que depuis quelques instants sa jambe malade le faisait souffrir. Agissez à votre guise, moi je rentre ! Vous me raconterez la suite de l’histoire !
    Il se levait, cherchait sa canne mais Adalbert fut debout en même temps que lui :
    — Je me demande si vous ne la connaissez pas mieux que nous, la suite de l’histoire, comme vous dites ?
    — Moi ? Quelle mouche vous pique ? Me direz-vous par quelle illumination du Ciel je pourrais être mieux renseigné que vous ?
    — Le Ciel n’a rien à y voir. Peut-être pourriez-vous nous expliquer…
    Une suite de coups de sonnette frénétiques lui coupa la parole. Un instant plus tard, le commissaire Lemercier se matérialisait devant eux, blanc de colère et l’œil étincelant. Sans saluer qui que ce soit, il fonça droit sur Vidal-Pellicorne :
    — J’avais raison de me méfier de vous, gronda-t-il, mais maintenant vous allez me dire où est passé votre brillant ami ?
    — Ne deviendriez-vous pas complètement fou ?

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