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Les "Larmes" De Marie-Antoinette

Les "Larmes" De Marie-Antoinette

Titel: Les "Larmes" De Marie-Antoinette Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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rejoignaient la marquise et son seau à champagne dans le petit salon de sa suite.
    — J’ai fait préparer quelques canapés pour vous permettre d’attendre le dîner. Ce policier a dû vous laisser mourir de faim ?
    — Pas absolument mais presque, fit Adalbert en attaquant le plateau sans se faire prier davantage.
    — Et toi, Aldo ? Tu n’as pas faim ? demanda-t-elle en le voyant allumer une cigarette…
    — Pas vraiment. J’ai surtout hâte d’entendre comment, en si peu de temps, vous avez réussi à nous tirer des griffes d’un homme qui nous destinait au banc des prévenus en cour d’assises ! Parce qu’une jeune sotte nous accusait de nous être introduits chez elle pour la cambrioler alors que sa maison était sens dessus dessous, qu’il n’y avait absolument rien dans nos poches ni dans la voiture d’Adalbert. Si vous aviez vu cette pagaille ! On aurait dit qu’un typhon avait traversé la maison…
    — Mais j’ai vu, mon petit, j’ai vu ! fit M me  de Sommières avec un sourire épanoui.
    — Nous avons vu, renchérit Plan-Crépin, puisque nous sommes allées chez elle.
    — Mais qui vous y a emmenées ? fit Aldo stupéfait.
    — Ce cher colonel Karloff, bien entendu !
     
    Comme tous ceux qui ont l’habitude de vivre la nuit, l’ancien officier des cosaques n’arrivait pas à se coucher de bonne heure. S’il était satisfait de posséder cette petite maison en lisière de Versailles, c’était surtout pour sa femme Liouba, heureuse ainsi qu’il l’avait dit à Aldo d’avoir un jardin et d’habiter un quartier plus convenable que Saint-Ouen. Et surtout, le fait d’être propriétaire le rassurait pour l’avenir de sa compagne, qui garderait un toit quand, le plus tard possible, il rejoindrait, dans les steppes bleues du ciel, les escadrons de centaures dont il avait si souvent mené la charge, sabre au clair et hurlant à pleins poumons pour la plus grande gloire du tsar.
    Il ne se couchait jamais avant minuit. Quand le temps le permettait, il allait fumer sa pipe sous l’unique cerisier dont Liouba était si fière en regardant pousser ses choux et ses haricots verts. S’il faisait mauvais, sa pipe et lui réintégraient le minuscule salon et le confortable fauteuil coincé entre la cheminée et la table servant de support au gros samovar de cuivre où il lisait son journal depuis le titre jusqu’à la signature du gérant – sans oublier les mots croisés ! – en buvant force tasses de thé noir plus ou moins discrètement additionné de vodka. Ce mélange lui procurait cinq ou six heures d’un sommeil léger lorsqu’il regagnait enfin sa chambre où il savait qu’il ne dérangerait pas Liouba puisqu’elle dormait dans celle d’à côté. Un vrai luxe rendu possible par les trois chambres que possédait une demeure ne rappelant hélas que de fort loin celle de la Moïka où ils vivaient avant la catastrophe, servis par une quinzaine de domestiques. À présent, Liouba et ses rhumatismes se contentaient d’une femme de ménage – russe elle aussi ! – qui venait chaque jour traquer la poussière ou faire la lessive en bramant « Les yeux noirs » ou « Cocher, ralentis tes chevaux » ou d’autres airs encore mais sans oublier de commencer le concert par « Dieu sauve le tsar ! »…
    Donc Karloff ne dormait jamais profondément et le moindre bruit le dressait sur son séant, l’oreille au guet ! Cette nuit-là le vacarme des policiers envahissant la maison d’une voisine dont il savait seulement qu’elle était jeune, charmante, solitaire et gagnait sa vie en donnant des leçons de piano l’envoya rejoindre dans la rue, en pantoufles et pyjama, le maigre groupe de curieux que le bruit avait extraits de chez eux et que d’ailleurs des agents de police tenaient à distance. Pas assez loin tout de même pour que le colonel ne reconnût Morosini et Vidal-Pellicorne quand on les embarqua menottés dans le « panier à salade ». Une vague rumeur parlait de cambrioleurs surpris pendant leur travail.
    — Des cambrioleurs en smoking avec la Légion d’honneur (cela pour Adalbert !) vous en avez déjà vu beaucoup… protesta-t-il indigné.
    — Et pourquoi donc pas ? riposta une commère en bigoudis et robe de chambre en pilou rose. C’est pour inspirer confiance. D’autant qu’y en a qui gagnent bien, ces malhonnêtes !
    Peu désireux d’entamer une polémique, Karloff, après avoir vu emmener la voiture d’Adalbert, ne

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