Les "Larmes" De Marie-Antoinette
craindre. Pourquoi, alors, avait-elle refusé l’aide offerte ? La peur, il l’aurait juré, habitait Caroline. Une crainte déjà ancienne sans doute et peut-être devenue permanente.
Adalbert entamant à cet instant un duo de ronflements avec le clochard, Aldo se leva et fit les quelques pas autorisés par l’exiguïté du lieu non sans avoir allongé au passage un coup de pied dans les fesses de son ami qui sans s’éveiller changea de tessiture et se mit à ronfler en mineur. Exaspéré parce qu’il se sentait sale et qu’il avait mal aux reins, Aldo se mit à siffler. Adalbert resta impavide, le clochard, lui, ouvrit un œil, émit des claquements de langue, déclara :
— Fait soif !…
Se retourna contre le mur et se rendormit. Sans bruit cette fois et c’était autant de gagné.
Découragé cependant, Morosini se rassit le long de son mur et alluma sa dernière cigarette.
Vers huit heures du matin le clochard mal réveillé fut rendu à la liberté – il n’était accusé que de tapage nocturne – et partit finir sa nuit sur le premier banc public apparu dans l’incertain de son rayon visuel. Quant aux deux autres occupants du « trou », nantis par la munificence de leur gardien d’un bol de « café » à la couleur indécise et d’un quignon de pain rassis, ils virent arriver presque aussitôt le commissaire Lemercier qui leur demanda s’ils se décidaient à avouer puis, sur leur chœur de protestation indignée, leur annonça qu’en ce cas ils ne tarderaient pas à comparaître devant le juge d’instruction.
— C’est une honte ! brama Vidal-Pellicorne. Vous outrepassez vos droits et je veux mon avocat ! Immédiatement !
— Je ne peux pas vous le refuser et si vous voulez bien me confier son nom ?
— Maître de Moro-Giafferi. Pour nous deux ! Il habite…
— Le ténor des assises ? On dirait que vous voyez loin ! Je n’envisageais que la correctionnelle mais si vous voulez aller jusque-là vous m’ouvrez des horizons !…
— Au lieu de vous acharner sur nous, commissaire, vous feriez mieux de vous occuper de l’ultimatum envoyé par l’assassin, s’écria Aldo. Plus que deux jours !
Le sourire sarcastique du vieux « Dur-à-cuire » s’élargit :
— Mais je m’en occupe, cher monsieur ! Je ne fais même que cela !… et quelque chose me dit qu’il ne se passera rien après-demain !
— Écoutez ! rugit Aldo vert de rage. Pensez ce que vous voulez mais prenez au moins la peine de prévenir ma famille, au Trianon Palace ! Il s’agit de ma grand-tante, la marquise de Sommières, une dame âgée qui doit être dans la dernière inquiétude…
— Bah ! Ça ne durera pas. Dès demain les journaux la renseigneront !
Sur ce il leur tourna le dos et quitta la pièce !
— Seigneur ! exhala Adalbert, que vous avons-nous fait pour que vous nous ayez livrés aux caprices de ce sinistre imbécile… et de cette petite garce ?
— Il y a quelque chose qui ne colle pas, fit Aldo après un instant de réflexion. Souviens-toi de ce qu’a dit Langlois : Lemercier n’est pas un imbécile. Ce serait même un bon policier.
— Pourquoi alors se conduit-il comme s’il l’était ?
— Ça l’arrange peut-être… Et je me demande s’il ne m’a pas pris en grippe dès notre première rencontre ?
— Il serait insensible à ton célèbre charme ?
— C’est peu dire : il ne peut pas m’encaisser, voilà la vérité ! Quant à « elle », je ne crois pas non plus que ce soit une garce. Cette nuit elle était sur le point de nous faire confiance quand quelque chose l’a effrayée. En un mot elle a eu peur. Reste à savoir de quoi ? Tu n’aurais pas une cigarette ?
— Tu fumes trop ! répondit Adalbert en lui tendant son étui sans autre commentaire. Il n’aimait pas beaucoup le ton, indulgent, à la limite de l’admiration, dont Aldo venait d’user pour évoquer la jeune Caroline. Il avait dit « elle » comme si elle était unique. Or il connaissait bien son ami et il ne manquerait plus que, déçu par Lisa qui lui préférait momentanément son bébé, il tombe amoureux de cette fille – ravissante, il l’admettait ! – mais qui ne lui inspirait guère confiance. Adalbert n’aimait pas que l’on fasse fi d’une aide qu’il offrait toujours de grand cœur.
Le reste de la matinée et le début de l’après-midi se passèrent sans amener le moindre personnage important pour les deux captifs. On
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