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Les lions diffamés

Les lions diffamés

Titel: Les lions diffamés Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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pénibles à trancher.
    — Renoncer à vous, sans doute pour toujours, me désempare, et je me maudis de devoir vous imposer cette affliction… Ah ! mon oncle, rien n’est simple… et votre attachement dont je vous sais bon gré aggrave un repentir dont je vous fais l’aveu.
    — En avril, quand mes sergents sont revenus de Normandie, tout allait bien.
    — C’est possible… Je le souhaite, et cependant j’éprouve une sorte d’angoisse ou de prémonition. Je ne sais trop comment vous expliquer cela, mais me supplieriez-vous à genoux de demeurer près de vous que, le cœur gros, je vous refuserais cette grâce… Et je me maudirais d’agir ainsi !… Je sais tout ce que je vous dois, parenté à part, et vous en ai respect et dilection… Oui, je connais le poids de votre amour pour moi et sais combien vous m’avez favorisé au détriment de votre second neveu.
    — C’est un bidau ! Jamais on n’en pourra rien tirer.
    Ogier quitta son banc, mais n’osa se permettre un mouvement d’approbation. D’emblée, à son retour de l’Écluse et sans pourtant évincer l’autre, Guillaume avait marqué sa préférence. Certes, Didier était un huron. Pire même. Indécrottable, indifférent aux conseils, insensible aux remontrances, mauvais, sournois, cherchant toujours querelle aux humbles et prenant des privautés avec les jouvencelles.
    « À sa place, me voyant supplanté, accablé de moqueries, insultes et reproches, je serais retourné à Saint-Rémy. En voilà un que Guillaume verrait partir sans émoi… et même avec soulagement. »
    Quelles raisons maintenaient Didier à Rechignac ? L’orgueil ? Non : s’il en avait été pourvu, il n’eût point hésité à revenir chez son père. Soudain, Ogier crut comprendre : « Il a tout simplement attendu mon départ. Sa seule vertu, c’est la patience. Une fois Argouges loin, s’est-il dit, la place sera mienne… En quoi il a commis une erreur car notre oncle va se hâter de fiancer ses filles… Claresme acceptera un époux : elle est docile… Tancrède va ruer mauvaisement. De toute manière, un seul gendre suffit à Rechignac, et s’il était quelque peu finaud, Didier devrait s’attendre à ce qu’après mon départ un beau-fils de Guillaume règne ici sans partage… Et ce gendre ne sera ni Haguenier ni Renaud ! » Passant et repassant devant la cheminée, le baron, tête basse, délibérait. Parfois il caressait sa barbe tandis que ses lèvres tremblaient sur des paroles informulées. Ogier n’osa troubler sa méditation.
    « C’est vrai que pendant cinq ans il a remplacé mon père et agi comme tel envers moi. Je n’ai jamais manqué de rien. J’ai mis du temps à m’accoutumer à ces hauts murs. Quand je m’y sentais seul, découragé malgré la présence d’Anne, les sourires, les clins d’œil de cet homme, voire ses bourrades suffisaient à me rassurer… Rien que pour tout le bien qu’il m’a fait, et si le péril anglais se précise, je lui dois encore quelques jours d’allégeance… Avant que d’être mon oncle, il est un seigneur dont je suis le vassal… Cependant, si les Goddons ne se montrent point et si je diffère mon départ de quelques semaines à cause d’un retour de pitié ou de reconnaissance, nous aurons encore plus de peine à nous séparer qu’à présent lorsque ce sursis viendra à échéance. »
    Son regard croisa celui de Guillaume qui se déroba aussitôt.
    « Il ne l’avoue pas mais il craint un assaut. Pour ses filles et ses biens, non pour lui dont le souhait est de mourir l’épée en main. »
    Le vieillard dit tout à coup :
    — Ils ne savent rien de la guerre. Toi si, Ogier, même après cinq années de paix… Tu es le seul qui soit à ma semblance. Le seul sur lequel j’aurais pu compter… Je t’ai rendu solide et tu vas t’en aller.
    — C’est la loi de la vie qu’on quitte un jour son gîte.
    — Tu dis vrai.
    Derechef la gêne les séparait. Ils subissaient l’un et l’autre l’ascendant de leur destinée. En fait, peut-être n’avaient-ils plus rien à se dire, plus rien en commun. Ogier ne trouvait aucun mot à prononcer, mais une question souvent formulée en cinq ans, et toujours repoussée comme outrageuse et injustifiée, se reposa, inévitable, irrésistible et pernicieuse : « Comment Godefroy d’Argouges t’aurait-il élevé s’il n’avait été contraint de t’envoyer en Périgord ? » Sans gêne et sans détour, il se plut à

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