Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les lions diffamés

Les lions diffamés

Titel: Les lions diffamés Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
sur les aleoirs [164] .
    — Et alors ? Tu me parlais de ta mère. Continue.
    — Donc demain, au lever du jour, j’irai remplacer Anne au village… Notre vieille n’en a plus pour longtemps.
    Cette gorge derrière l’entrecroisement du lacet ! Blanche, laiteuse… Pourquoi ne la cachait-elle pas ? Avait-elle exprès dénoué le cordonnet de cuir en montant l’escalier ? Renaud disait-il vrai lorsqu’il affirmait avoir un jour couché Margot consentante, dans les fougères du bord de l’Isle ?
    — C’est bien que tu remplaces Anne.
    La servante sourit sans nécessité. Légère, peut-être, mais jamais elle ne marcherait sur les brisées de sa sœur.
    — C’est comme ça, messire ! Faut bien, elle et moi, qu’on se remplace… Quand j’y pense, je me dis qu’elle a plus de chance avec vous que moi avec Gilles !… Enfin, cette nuit, il fera le guet sur les parois… Grand bien lui fasse !
    « Ces tétons, la Margot, tu pourrais les cacher… Et je crois savoir où tu veux en venir avec ton Gilles aux créneaux et ta sœur au hameau. »
    Ogier sourit : ses coups d’œil n’avaient pas échappé à la domestique. Il saisit lentement les ferrets – frôlant les seins dont il put estimer la fermeté –, tira de part et d’autre de l’aiguillette, rapprochant ainsi les deux pans de l’encolure.
    — Cache donc ces trésors, ma belle ! Tu vas prendre froid.
    Il avait imaginé que, confondue, Margot s’esquiverait. Il n’en fut rien. Elle s’approcha au contraire.
    — Messire, je ne suis ni prude ni frileuse ! Anne, elle…
    Il la saisit aux épaules, en se disant que c’était pour rire, mais en se sachant des plus sérieux :
    — Tu ne prétendrais pas la remplacer pour tout ?
    —  Qui sait ? Dans six jours vous partirez… Après une courbette destinée peut-être à dissimuler sa confusion, Margot fit un pas en arrière.
    — Holà !… Sais-tu pourquoi ma cousine veut te retenir ?
    La chambrière eut une moue d’ignorance ; et riant tout à coup :
    — Je veux bien broder, repasser, repriser son linge. Mais je me refuse à chauffer son lit comme Gersende le fit naguère.
    Et sur une pirouette, elle descendit en courant l’escalier.
    « Celle-là ! songea Ogier. Bon sang, si je voulais… » Or, justement, il ne voulait point : il était trop épris d’Anne pour la trahir à quelques jours de leur séparation.

III
    Ce fut lundi.
    Le jour s’annonça par un grand déploiement d’or et de flammes. Dans l’air humide où le soleil levait sa rondache vermeille, un vent du sud lança ses vagues pétillantes de cris d’oiseaux. Portés par elles, et planant au-dessus des tours et du donjon, hirondelles, moineaux, pigeons et corneilles réveillèrent, mieux encore que les coqs de la basse-cour, le château engourdi dans le sommeil et l’inquiétude.
    Les guetteurs allaient et venaient, frileux et muets, et Guillaume veillait, lui aussi, immobile entre les sommets pointus des tours portières. Une houppelande de drap noir doublé d’écureuil l’enveloppait du cou jusqu’aux talons.
    — Déjà debout, mon neveu… Rasé… Vêtu comme à la fête.
    — C’est l’Assomption, mon oncle.
    — Bon sang !… Ces malandrins, déjà, m’abîment la mémoire !
    Le baron n’était ni lavé, ni peigné. L’insomnie rendait ses yeux bouffis presque incolores. Il eut un mouvement du menton, puis cracha :
    — Je me suis levé tôt pour voir si mes sept vegilles [165] faisaient bien leur guet… Je n’en ai trouvé qu’un, le Florimont, assis et adossé à la muraille… Mais il ne dormait pas… Prétend qu’il a des genoux douloureux !
    « Et c’est avec de tels hommes qu’il prétend, lui, défier les Goddons ! »
    Comme s’il avait deviné la perplexité de son neveu, le baron eut un sourire par lequel, sans doute, il affirmait sa supériorité sur cet ancien compagnon de bataille.
    — Je suis d’au moins trois ans plus vieux que Florimont… Mais, pour être sincère, je souhaite que ces pouilleux passent au large !… J’ai deux mille arpents de prés, de forêts… des vignes bien pourvues cette année en raisins… Ils peuvent les exiller [166] sans que nous n’y puissions rien.
    Guillaume sembla soudain vidé de sa tristesse. Il ne fléchissait plus les épaules ; il était presque admirable ainsi, prêt au combat. Cependant, Ogier ne se méprenait point : ce sursaut de vigueur était provoqué par Bressolles qui, sa verge de

Weitere Kostenlose Bücher