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Les lions diffamés

Les lions diffamés

Titel: Les lions diffamés Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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Thierry Champartel, qui n’avaient assurément pas ménagé le fer.
    — En effet, tout cela est fort bon.
    Le colosse renfermait trois étages et deux caves, la plus profonde communicant avec celle de l’échansonnerie. Tous ces compartiments étaient reliés entre eux par un escalier pratiqué dans l’épaisseur de la muraille. Chaque palier desservait deux pièces voûtées et des réduits destinés à la domesticité. La grand-salle – ou tinel –, au rez-de-chaussée, commandait à tout le bâtiment. Guillaume y donnerait ses audiences et ses fêtes.
    L’oncle et le neveu gravirent les dix degrés du perron et se courbèrent sous la herse. L’entrée intérieure était embellie par deux statues : un homme, une femme. L’homme, en haubert, tenait dans une main son heaume, et dans l’autre une épée. Ses traits étaient ceux du baron. La dame, tête nue, ses tresses roulées sur ses oreilles, souriait imperceptiblement. Elle avait un faucon sur son poing ; un chien était couché dans les plis de sa robe. C’était Guibourc de Saint-Rémy, dame de Rechignac, telle que Bressolles et son ciseau l’avaient arrachée à la pierre.
    — Ce Girbert a du savoir-faire, mais je doute qu’il tienne une épée aussi parfaitement qu’un maillet. En chemin, j’ai bien peur qu’il te soit inutile.
    Ogier ne répondit pas. La vaste pièce dans laquelle il venait de pénétrer était couverte d’une voûte à six nervures dont la clé portait le double blason des Rechignac et des Saint-Rémy. Le premier : de sable à deux léopards lionnés d’or [169] , le second : de pourpre à un coq d’argent couronné d’or, membré et armé de même. Ogier ne pouvait voir les armes de son oncle sans songer à celles de sa famille.
    Ayant surpris son regard, Guillaume poussa son neveu en avant.
    — Je n’ai pu fermer l’œil… Tu ne m’en veux pas, pour tout ce que je t’ai appris ?
    — Non, mon oncle !
    Le baron considéra les murs de la salle immense, peints en faux joints jusqu’à hauteur d’homme, habillés de tentures et de tapisseries. Le sol était de carreaux rouges et noirs, vernissés : Mathilde et deux de ses filles, Isaure et Ameline, achevaient de les joncher de paille.
    — Sois patient, mon gars. Je suis sûr que tout va bien à Gratot.
    Mathilde était pourvue d’un fessier grandissime, de hanches plus larges que ses épaules. Ogier ne pouvait les imaginer dévêtus sans se dire que les ardeurs de cette femme conspiraient à la décrépitude de Guillaume. Elle avait enfanté trois filles, deux garçons et, disait-on, éreinté son époux, Joseph, un semalier [170] pourtant solide, en des embrassements copieux et funestes.
    Elle se releva, frotta ses mains contre sa robe. Son visage cireux, criblé de son, exprima le souci et l’anxiété :
    — Comment avez-vous trouvé vos regards [171]  ? demanda-t-elle en renvoyant d’un geste ses deux aides.
    — Que t’importe, femme !… Retourne à tes bassines.
    Sans hâte, après avoir soupiré bruyamment, Mathilde s’éloigna.
    Ogier se laissa tomber sur un banc près de la cheminée où flamboyaient des fagots. Guillaume posa sa dextre sur son épaule. Ce n’était pas un geste possessif : la compassion qu’il exprimait fut douce au garçon.
    — En quel état vais-je les retrouver !
    — Vieillis… Ne t’attends pas à voir Godefroy sourire, lui qui déjà riait si peu.
    — Comment a-t-il pu survivre ? La diffame [172] , et pour me sauvegarder, le mensonge !
    — La haine tout autant que l’amour aide à vivre.
    Ogier cilla des paupières tandis qu’une scène d’autrefois se présentait à sa mémoire, si précise qu’elle semblait dater de la veille : Godefroy d’Argouges, prêt à partir pour l’ost et marchant, son faucon Lithaire sur le poing, tout en dictant une lettre à frère Isambert, son chapelain et confident.
    — J’ai mal, dit-il, sans oser regarder son oncle. Quand je pense à lui, mon cœur saigne et bat plus fort. J’ai des agaçins dans les bras. Mes poings se durcissent… Ah ! partir… Partir et faire justice !
    La main du baron retomba. Il fronça les sourcils et serra les mâchoires.
    — Mon bon oncle, ne faites pas cette tête-là… Croyez-moi : Il me faudra volonté, courage… violence même, pour franchir votre pont-levis une dernière fois.
    Ogier s’interrompit, car là, il pensait à Anne autant qu’à Guillaume. Blanquefort et Vivien seraient également des amarres

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