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Les lions diffamés

Les lions diffamés

Titel: Les lions diffamés Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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votre parente a bien changé, commenta Bressolles, Didier, en cinq ans, est demeuré le même… Plus il vieillit, plus il mérite l’emblème des Saint-Rémy !
    — C’est ma foi vrai.
    Le maçon enfouit ses mains dans ses larges manches noires :
    — A-t-on idée de s’infatuer d’un pareil oiseau !… Un coq !… Cette bestiole a tout pour répugner : morgue et cris orgueilleux, concupiscence maladive des faux mâles confondant amour et accouplement ; ostentation de la parure… Mais arrachez ces faucilles en plumes qu’il porte au croupion : un coq devient ridicule… On le croit téméraire ? Sa seule hardiesse est de défier le soleil… parce qu’il est loin ! Son domaine ? Il n’est à l’aise que dans le fumier. C’est sur des fientes qu’il se rengorge le plus pour surveiller ses femelles aussi despotiquement qu’un Sarrasin les femmes de son harem !… Qui pourrait être assez sot, sinon les Saint-Rémy, pour orner un blason d’un tel animal ? Et mieux encore : de le couronner ? Roi de quoi ? De la basse-cour !… Par ma foi, Didier, sur son tabard toujours souillé d’on ne sait quoi, mérite bien cette volaille !… Allons, je vous quitte, messires. Que Dieu exauce vos souhaits…
    Bressolles s’éloigna ; Ogier entra dans la chapelle. Bien qu’elle fût pleine de maçons, de domestiques et de sergents, il aperçut Anne aussitôt.
    « Ainsi, elle est de retour. »
    Vêtue et coiffée de noir, courbée dans l’ombre du transept, elle priait sous le saint Georges et le dragon que Bressolles avait taillés pendant les veillées, dans une chute de châtaignier.
    Ogier s’agenouilla et se signa. Anne se détourna. Ils échangèrent un regard.
    « Dans une semaine, si tout va bien pour ce château, je ne la verrai plus… Cinq ans ! Cinq ans à ruser pour être ensemble une nuit çà et là. Se croiser dans la cour et les salles sans jamais se montrer familiers… Grâce à Guillaume, à Mathilde et… à moi, elle a pu abandonner les lessives. Mais de qui dépendra-t-elle à présent ? Margot est son aînée de six ans, elle a de la défense et de l’effronterie ! Elle peut servir Tancrède et laisser Anne à Claresme. »
    Cessant d’observer la jouvencelle, Ogier considéra le dos large et voûté de son oncle, inondé, ondoyé d’une lueur argentée. Agenouillé sur la dalle de sa future sépulture, jouxtant celle sous laquelle reposait son épouse, le vieillard priait avec tant d’énergie que ses grognements provoquaient les regards étonnés d’Arnaud Clergue.
    Quelle insigne faveur demandait-il au ciel ?
     
    *
     
    À midi, Vivien de Podensac n’était pas revenu.
    Avant de pénétrer dans son donjon, le baron prit Blanquefort et son neveu par l’épaule :
    — Tel que je le connais, il ne remontera qu’à la nuit. Ah ! là là. Je l’ai doulousé en le traitant de manchot. Qu’en dis-tu, Hugues ?
    — Moi ?
    Le sénéchal réservait sa pensée. Il parlait peu, depuis son retour de Lubersac, et semblait las, soucieux. Son regard, qui s’attardait sur Aspe, Calmels, Raymond et Benoît, de passage dans la haute cour, ne fit qu’effleurer Tancrède : bras ballants, elle parcourait le chemin de ronde.
    Elle allait lentement, indifférente aux saluts des guetteurs. Lorsqu’elle fut parvenue devant la Mathilde, elle s’arrêta et croisa les bras tout en considérant le faîtage de l’édifice et sa guette au sommet de laquelle des pigeons s’étaient posés. Elle revint vers les tours portières. Le vent froissait, gonflait sa robe, ébouriffait ses cheveux courts.
    « À quoi pense-t-elle ? se demanda Ogier tandis que la jouvencelle redescendait. À Gersende ou à celles qu’elle a quittées à Lubersac ? La voici qui parle à Bressolles… Robe blanche et robe noire. Sang vif et sang de… navet ! »
    Il baissa les yeux.
    — Et si, dit Blanquefort, plutôt qu’une rencontre avec une harde, voire même un solitaire, Vivien avait eu affaire aux Anglais ?
    — Non, dit Guillaume, formel. J’ai veillé une longue partie de la nuit… Aucun feu… Tout est paisible… Mais Vivien, tu le sais, ressemble à ma défunte ! Toujours à se cabrer, à ruer : un rien l’offense.
    Blanquefort jeta sur le baron un regard si bref qu’Ogier s’attendit à une remarque cinglante. Il intervint :
    — Harde de cerfs, compagnie de sangliers… et même un solitaire : Vivien, seul, ne sera pas de force.
    — Allons, pourquoi ces soucis ?

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