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Les lions diffamés

Les lions diffamés

Titel: Les lions diffamés Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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Abandonné à ses pensées, il tortillait une mèche de ses cheveux. Visage rubicond, regard trouble, bouche amère, Didier, qu’un tabard gris couvrait des épaules aux genoux, officiait tout en essuyant ses paumes après le coq brodé sur sa poitrine… Renaud était vigoureux, mais son obséquiosité envers le baron et Blanquefort les indisposait à son égard : ils aimaient la franchise et la rudesse. Il avait pensé susciter l’intérêt de Claresme, or jamais celle-ci ne lui avait accordé un semblant d’attention.
    — J’ai demandé, dit Guillaume, qu’on apprête ce sanglier qui nous enleva Vivien… Mauvais avec lui, peut-être sera-t-il bon pour nous tous !
    Tandis qu’Arnaud Clergue se pourléchait, approuvant le baron, Ogier s’intéressa aux tapisseries qu’un courant d’air bougeait derrière son oncle. L’une, dans son entour brodé de lis d’or et de roses, représentait le nain Obéron mettant en fuite Huon de Bordeaux et ses treize compagnons ; l’autre Thierry accusant Ganelon devant le tribunal de Charles.
    — À quoi penses-tu, mon neveu ? Tu ne m’approuves pas ?
    Le damoiseau pensait que la défunte épouse de Guillaume avait eu des goûts singuliers. Aimait-elle la guerre ? Pourquoi n’avait-elle pas fait figurer sur ses canevas des saints, des fleurs, des cygnes – voire le coq de ses armes ? Pourquoi Charles ressemblait-il à Blanquefort ?… Non, cela c’était une illusion due à une rupture des fils dans la trame de ce visage.
    — Je vous approuve d’autant plus pour ce quartannier, mon oncle, que c’est moi qui l’ai fait chercher.
    Cela dit, Ogier reporta son regard sur les gens du commun. Ils s’asseyaient dans les cris et les rires. Anne tardait à les rejoindre. Et Margot, dont la place auprès de Gilles Champartel restait vacante. Quel événement les avait retardées ? L’Henriette ou Claresme ?
    Plus disert que d’ordinaire, Guillaume exprima ses doléances à Sicart de Lordat :
    — J’aurais tout de même aimé avoir des parois plus hautes de quatre ou cinq pieds afin de rendre vaines toutes les échellades.
    — Nos ouvrages sont conformes aux édits royaux. J’ai respecté votre assurément [181] et vous aurais mis, messire, dans l’embarras si j’avais exhaussé vos murailles. Notre sire Philippe déteste que l’on contrarie ses volontés.
    — Je ne compte plus les fois où, de moi-même, j’ai rejoint l’ost royal. En conséquence…
    — Tout beau, messire, interrompit l’architecte. Le droit est le droit. La loi est souveraine. Nul ne peut bâtir un châtelet à sa guise et, si étrange que cela soit, le Capitulaire des pistes de feu Charles le Chauve est encore en vigueur [182] . Ne vous plaignez point. Si vous étiez normand, vous n’auriez pu avoir autour de votre bastide tous ces fossés qui dépassent la profondeur d’un jet de terre.
    — Je ne suis point normand.
    — De quoi vous plaignez-vous ? Votre demeure est imprenable.
    — Je veux bien l’espérer.
    Le ton sérieux de cette réplique ne laissa aucun doute à Ogier sur l’état d’esprit du vieillard :
    « Il a peur, grand-peur ! »
    Il se sentit épié, se détourna et rencontra le regard de Tancrède.
    « Que serions-nous devenus si nous nous étions côtoyés pendant cinq ans ? Amis ? Ennemis ? Indifférents ?… Claresme ne m’a jamais attiré. Fade comme un miel trop plein de cire… Mais elle ! »
    Il éprouvait au cœur une sorte de mal. Étrange fille. Pourquoi le glaçait-elle en même temps qu’elle lui donnait envie de la mieux connaître ? De s’en faire apprécier, pour ne pas employer d’autre verbe. Pourquoi ce rendez-vous vespéral sous les chênes ?
    Un instant, fermant les yeux, il continua de la voir, de la sentir. Elle le troublait d’une façon moins irritante que lors de leur rencontre sur la route d’Excideuil, mais insidieusement. Et elle le savait.
    Il releva ses paupières : elle lui souriait. Comment interpréter ce sourire ? Les autres l’avaient-ils surpris ? Lui avaient-ils trouvé une signification ? Laquelle ?
    « Je ne connais rien d’elle… ou si peu : ses audaces avec Gersende. Qui prouvent quoi ? Qu’à treize ans elle avait soif d’être rebaudie comme parfois Saladin ou Brochartre [183] . Elle n’a pas eu de mère et cette inclination peut donc, à défaut de s’admettre… »
    Il abandonna cette réflexion car il s’égarait : Claresme, elle aussi, avait été privée

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