Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les lions diffamés

Les lions diffamés

Titel: Les lions diffamés Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
prise d’une bastille, c’est ce qui compte pour tous les êtres humains : le cul ou le potron, comme vous dites.
    — Messire ! protesta Ogier.
    — On investit parfois commodément une place par les latrines… Trouve l’emplacement de ces lieux qu’on dit fort justement d’aisances, et tu disposeras des orifices par lesquels une partie de ton armée pénétrera… Or, on peut entrer dans Saint-Rémy par cette voie, même si elle pue… Un arbre vigoureux pousse hors de l’enceinte, juste au-dessous. Mes boys grimperont après quand la nuit sera noire. À l’aube, nous brancherons ce maudit seigneur et ses pétaux s’ils n’ont pas trouvé la mort au cours de l’assaut… Tu pourras reprendre ta liberté… Mais il convient que tu la mérites… Aide-moi à tirer sur cet anneau… Il bouge et la pierre est humide…
    Sans plus parler, Ogier se mit à la tâche. Le cercle de fer dans lequel il passait son poing était maintenu par une louve énorme dont la tige s’enfonçait profondément dans le mur. L’ensemble bougeait, mais si peu que c’en était désespérant. Après de longs et stériles efforts, le garçon renonça :
    — Ma main me fait souffrir, messire, car Didier me l’a percée.
    — Attends que le mal s’apaise.
    — Si je trouvais quelque levier que nous puissions passer dans l’anneau… Il nous serait aisé de le manœuvrer.
    Ogier tâtonna dans la paille, remua des choses gluantes, innommables. Enfin, alors qu’il désespérait, ses doigts rencontrèrent un objet dur, long d’un pied, qui devait être un barreau de fenêtre.
    — J’ai ce qu’il faut… Allons-y, dit-il en revenant s’agenouiller près du routier.
    En pesant sur l’anneau, en le forçant de droite et de gauche, le mortier tout autour du piton s’effrita. Bientôt, la fiche de scellement joua de mieux en mieux dans sa cavité. L’étranger poussa un soupir.
    — Nous y sommes… Maintenant tirons…
    La barre et l’anneau tombèrent.
    — Dieu te bénisse, damoiseau. Je te baillerai plus tard, my boy, tout ce que tu voudras pour m’avoir ainsi aidé.
    — Vous me faites moult promesses, messire. Mais saurez-vous seulement en tenir une ?
    — Tu doutes de moi ?
    — Maintenant, essayons de sortir, reprit Ogier pour éluder cette question.
    — Te voilà bien pressé !
    Il y eut un silence. Haletants, satisfaits, ils écoutèrent le grésillement de la pluie.
    — La porte est épaisse, dit Ogier. Son bois renforcé de ferrures.
    Il toucha les têtes des clous : « Plus grosses que des glands ! » Il se tourna vers le routier :
    — Contre cet obstacle, notre barreau ne sert à rien… Avez-vous une idée ?
    — Reste quiet et crois-moi : ce qu’il convient de faire, c’est attendre.
    — Attendre ? s’étonna le garçon sur le ton de la protestation. Attendre jusqu’au petit jour que Saint-Rémy et ses pétaux reviennent !
    —  Yes, my boy… Attendre. Crois-moi, si je suis aussi serein c’est que j’ai de bonnes raisons de l’être.
    Étrange, comme cette voix avait un pouvoir réconfortant. Et c’était celle d’un routier anglais !
    — Dans le bois, avant d’arriver à Saint-Rémy, je suis passé près d’un de vos feux. Il y avait là deux hommes… Ils s’inquiétaient de ne pas voir revenir l’un des vôtres… C’était peut-être vous.
    — Ils s’inquiétaient ? gloussa l’inconnu.
    — Qui êtes-vous, messire ?
    Il y eut un silence et l’homme remua comme s’il s’allongeait.
    — Patience !… Le vent souffle toujours et cela est bon. La pluie tombe et s’acharne. Tant mieux : la paroi des latrines sera bien lavée… J’ai toujours mes bracelets, mais le mur ne me retient plus… Laisse la barre à portée de ta main… Et attends… Ce misérable qui voulait nous occire dévore sa pitance avec tous ses affreux… Qu’ils mangent bien pour la dernière fois de leur vie.
    L’Anglais éternua sans trop faire de bruit.
    — Quelle froidure !
    — Ah ! oui…
    Une buée dont ils devinaient le voile autour d’eux mouillait leurs visages et glaçait leurs vêtements. Les murs suintaient, le plafond qui s’arénait laissait filtrer des gouttes. Les rats devenaient insolents : Ogier en sentit un dans son dos, grignoter son fourreau vide ; il le repoussa. L’opacité noire des lieux lui portait sur les nerfs, autant que l’indestructible sérénité de son voisin. Il insista :
    — D’où venez-vous,

Weitere Kostenlose Bücher