Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les lions diffamés

Les lions diffamés

Titel: Les lions diffamés Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
ignobles, au service de mon oncle, ont facilité ma prise !
    L’homme remua.
    —  Slowly ! Nous allons bouger cet anneau, dit-il comme s’il s’agissait d’une tâche facile. La pierre est humide et le fer mal scellé.
    Il s’exprimait d’une voix lente, monocorde. Ogier insista :
    — Êtes-vous anglais, messire ?
    — Comme toi, compagnon, je suis un prisonnier.
    — Si vous tourniez, comme dit le vieux, autour de cette bastille, c’est que vous aviez de secrètes pensées.
    — Nous avons tous des arrière-pensées, my boy. De fort belles, parfois, dont nous pourrions être fiers, mais le plus souvent de moins bonnes que nous n’oserions révéler sans rougir… Seize ans, hein ?
    — Dix-huit.
    — L’adoubement est imminent ?
    — Pour cela, il faudrait que je sorte de l’encombre où nous sommes !
    — Mais nous en sortirons ! À qui avons-nous affaire ? À d’affreux pétaux. S’ils étaient intelligents, ils m’auraient occis sans attendre !
    Quoiqu’il ne distinguât rien de son interlocuteur, Ogier lui donna vingt-cinq ans. Il était cultivé : le ton ne cessait d’être courtois, et sa sérénité, où perçaient cependant quelques pointes d’aigreur, rendait plus évident encore son accent étrange.
    — La belle forteresse, en vérité. Ce ne serait pas grand-mal qu’elle disparaisse… Elle enlaidit ce pays comme une pustule un beau visage… Pourquoi y es-tu entré ? Pourquoi t’ont-ils attrapé ?
    — Le fils de Saint-Rémy est mort cet après-midi… Son père m’en tient pour responsable…
    Il y eut un silence qu’altérèrent leurs souffles, car l’air était rare… Un rat courut sur la cheville d’Ogier, un autre, attiré par le sang suintant de sa blessure, en happa les linges. Il protégea sa main sous son aisselle.
    — Et tu t’es jeté dans la gueule de ce vieux loup… Pourquoi ?
    — Nous avons aperçu des feux que ces culverts ne peuvent voir. Je suis venu les mettre en garde contre les Anglais.
    Le silence se prolongea.
    — Maudits soient ces gens ! Maudite soit cette bastille ! grogna soudain le captif. Les hommes de Canole, crois-moi, damoiseau, n’en feront qu’une mauvaise bouchée.
    Le mépris et la rage secouèrent son corps, puis il dut se mettre à genoux et tâta le mur.
    — Êtes-vous de la bande de Canole ?
    — Il se pourrait ! gloussa le prisonnier. Mais qui donc est Canole, my boy  ? On l’appelle Robin, par chez toi. Pour ta gouverne, sache qu’il est anglais et se nomme Robert (il prononçait Robeurt ) Knolles… Mais cessons d’en parler. L’important, vois-tu, c’est de sortir d’ici…
    Ogier se surprit à admirer ce compagnon invisible.
    Enchaîné, abandonné, il aurait pu succomber au découragement, mais non : sa voix maintenant était légère. Sa colère semblait s’être dissoute dans une confiance en soi – et en d’autres – qui n’avait rien d’affecté. Faute de le voir, il devinait une nature fine, ironique ; un esprit vaste, meublé. Le rire léger qui, parfois, achevait les phrases de cet homme révélait une certitude de vivre non seulement dans l’immédiat, mais longtemps. Il songea brusquement que ce Goddon – car il était sûr, à présent, d’avoir affaire à un Anglais – avait reçu une éducation princière, à moins qu’elle n’eût été ecclésiastique, et il fut tenté de rire : leur cordialité était à la fois des plus vraies et des plus fallacieuses. Aucun d’eux ne s’illusionnait ni sur sa portée, ni sur sa durée.
    Les chaînes cliquetèrent.
    — Maudits grésillons ! Ils m’entrent dans les chairs… Mais nous en sortirons. Parce que, damoiseau, je n’étais pas seul quand ces hurons m’ont sauté dessus… Nous étions deux, éloignés l’un de l’autre comme il sied de le faire quand on tourne autour d’une place que l’on veut conquérir… Oui, je suis un routier, mais tu peux garder ton mépris ou le multiplier par cent, je n’en ai cure.
    — Je vous dispense… monseigneur, de tous vos commentaires. Je sais ce que valent les gens de votre espèce. Présentement, je n’ai aucun mépris pour vous. Une seule chose importe aussi pour moi : sortir de ce trou avant prime.
    Les chaînes bougèrent encore.
    — Cesse de te touiller l’esprit, Argouges, reprit la voix, cette fois-ci railleuse. Nous partirons de cette geôle infecte, je t’en fais serment… Ce qui compte, chez les gens de guerre, lorsqu’ils sont décidés à la

Weitere Kostenlose Bücher