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Les lions diffamés

Les lions diffamés

Titel: Les lions diffamés Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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que son voisin devait écouter et imaginer avec délices. Des voix braillaient et s’interpellaient en toutes langues. Et soudain, celle de Saint-Rémy hurla quelque part :
    — Soyez maudits !
    Le carnage atteignit alors son paroxysme.
    Le cœur soulevé de dégoût, Ogier s’éloigna jusqu’au mur, bousculant son compagnon. Il tremblait, maîtrisant à grand-peine une envie de pleurer et d’insulter cet homme impitoyable. Des cris jaillirent devant la porcherie, l’un d’eux se consuma en hoquets plaintifs. Le damoiseau allait appeler à l’aide lorsque le routier le saisit par le bras :
    — Tais-toi !… Laisse-les faire… Si nous sortions de ce trou infect engourdis comme nous sommes, nous ne pourrions parer les coups, car on se bat encore.
    Des commandements, des appels et des rires éclatèrent ; et soudain, le tumulte cessa.
    — Victoire !… Victoire ! hurla un homme.
    Une hilarité si bruyante, si indécente qu’un frisson de haine secoua Ogier, bouillonna dans toutes ces gorges qui, à force d’avoir vociféré, ne pouvaient plus dire un mot.
    — Allons, soupira le routier, mes hommes ont réussi. Et je crois qu’ils n’ont pas eu à baisser le pont pour permettre aux renforts d’entrer.
    S’approchant de la porte, il la martela de ses poings.
    —  Halloo ! Bemborough, Mélipart, Briatexte…
    De nouveaux cris s’élevèrent, joyeux et même délirants. Il y eut des galopades en direction de la porcherie. Les verrous grincèrent.
    L’huis couina sur ses gonds et s’ouvrit. Un rectangle de nuit piqueté de feux mouvants apparut.
    Le captif enchaîné se précipita au-dehors. À peine relevé, il fut entouré d’un groupe d’hommes sautillants qui tous voulaient l’étreindre et le congratuler.
    — Viens, damoiseau !… Sors donc. Que crains-tu ?
    Ogier émergea au cœur de cette horde hérissée d’armes et de torches. Paupières clignotantes, il aperçut des lueurs d’écailles, de mailles ; des coiffes de fer disparates et des éclats de lames gluantes.
    Certains routiers étaient glabres ; sous leur dôme à cornes de bouc ou de taureau, ils avaient des visages barbouillés de suie, et dans leurs yeux dansaient les lueurs des flambeaux. D’autres, le crâne nu, rasé, essuyaient leurs doigts poisseux de sang contre leurs cuisses, et même certains, à leur barbe. Tous ces vainqueurs gesticulaient et gambillaient comme pour secouer la malédiction qu’en envahissant ce château putride ils venaient d’attirer sur leur tête.
    — La jolie compagnie que la vôtre, messire !
    Baissant la voix, Ogier demanda :
    — Combien de geôles, de galères avez-vous vidées pour la constituer ?
    — Rengaine ton aversion, damoiseau. Si tu vis, c’est grâce à eux. Et tu les peux enhaïr autant qu’il te plaira : ils n’ont que faire de ton ingratitude.
    Le compagnon d’Ogier marchait au hasard parmi ses hommes, sans doute afin d’en mieux évaluer le nombre. D’autres survinrent. Sous la calotte illuminée des cervelières à nasal remuaient leurs faces de chouettes. Quelques-uns étaient nu-pieds afin de mieux ascensionner les murailles. Des fléaux, des haches composaient l’armement de cette herpaille. Ils piétinaient, enjambaient les cadavres. Ils riaient tandis que leur cohorte se dirigeait vers les bâtiments.
    Un épieu clouait le barbu à la masse contre une porte. Il vivait encore, la bouche pleine de caillots, les yeux levés vers les étoiles. Le picquenaire avait été décapité, et sa tête décoiffée plantée sur le fer de son arme, au sommet du tas de fumier. La ribaude était vivante : un des assaillants, un bras encerclant son cou et la main plongeant dans l’encolure de sa robe, lui empaumait un sein. La fille se laissait faire, indifférente aux cris et aux gestes obscènes des compagnons de ce goguelu ; insensible également à cette effluence de sang et d’entrailles dont l’odeur submergeait toutes les autres.
    — Je croyais, Béranger, la garnison de ce vieux fumeux plus importante ! s’exclama le chef de bande en prenant un de ses compagnons par l’épaule.
    — Vingt-quatre corps… Plus sept femmes et trois enfants… Il doit y avoir céans bien peu à rober.
    — Trois des nôtres sont occis ! lança un homme.
    — Combien de meshaignés [239]  ?
    — Sept, mais sauf un bras rompu, pas d’inquiétude.
    — Ces pétaux se sont tout de même battus ! commenta le nommé Béranger.
    — Je leur préparais un

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