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Les lions diffamés

Les lions diffamés

Titel: Les lions diffamés Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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les jette en enfer et que le feu d’en dessous les dévore comme celui-là va dévorer ma demeure et mon fils, que j’avais mis en cercueil dans ma chambre et auquel je n’ai pas eu le temps de donner une tombe !
    — Hâtons-nous, insista Ogier en menaçant du poing cet homme répugnant.
    — Oui, hâtons-nous, dit Renaud. L’un de ces ribauds, à l’insu de Canole, pourrait nous occire.
    — Un peu plus tôt, un peu plus tard… grogna Ogier, sans craindre d’être entendu.
    Le pont-levis s’abaissa et Enguerrand de Briatexte s’inclina sur leur passage, ce dont ils furent outrés :
    — Bon retour, messires, et à très bientôt. Ce n’est vraiment pas un temps pour noqueter [244] même en bonne compagnie.
    Passé l’arche noire, la nuit s’allégeait ; elle prit soudain une teinte vineuse : les embrasements s’y diluaient, animant d’une sorte de vie les arbres chenus ou squelettiques, les fourrés et les flaques, et conférant aux pans de roc entre lesquels le chemin s’enfonçait l’apparence de grands suaires glacés.
    Saint-Rémy s’était tu : après avoir lancé ses imprécations, il semblait insoucieux de tout. La ribaude, pieds nus, transie, marchait désormais en avant comme une habituée des lieux. Haguenier et Renaud échangeaient des mots à voix basse. Ogier pensa qu’ils se querellaient.
    Ils passèrent loin de la houle brune de la forêt, traversèrent l’Isle sans hésiter, et bien qu’ils n’eussent fait aucune mauvaise rencontre, ce fut avec soulagement que le damoiseau foula les terres de Rechignac.
    Ils gravirent en hâte la pente menant au château dont la puissante étrave, au-dessus d’eux, déchirait à peine les ténèbres. Ogier entendit le cri d’un guetteur. Il acheva sa montée presque au pas de course.
    — Qui va là ? demanda Blanquefort penché à la bretèche du pont-levis.
    — Ogier !
    Le sénéchal hurla :
    — C’est Ogier ! Ogier est de retour !
    Le tablier aussitôt s’abaissa.
    La cour était obscure ; toutefois, dans les logis, les écuries et la forge, on s’affairait à la lueur des feux et des chandelles. Le damoiseau s’arrêta pour céder la place à la fille follieuse que suivaient d’assez loin Saint-Rémy chancelant de honte et de fatigue, Renaud et Haguenier, craintifs à l’idée qu’il pourrait gloser sur leur attitude. Il eut envie de rire à leur passage mais y renonça, jugeant l’indifférence plus insultante encore que la moquerie.
    En courant, Blanquefort et deux porte-feux – Philippe le bâtard et son frère Eudes – le rejoignirent.
    — Enfin !… J’allais partir vous chercher.
    La joie du sénéchal plut au damoiseau. Il se contenta de sourire alors qu’il eût aimé prendre Blanquefort par l’épaule pour lui avouer ses angoisses.
    — Préparons-nous, dit-il. Ces démons vont nous assaillir avant peu.
    Les chaînes ramenèrent le pont en position de défense et la herse descendit. À la clarté des torches et des pots à feu, Ogier entraperçut, tout au long du chemin de ronde, des mottes de boulets, et, sur des trépieds, les chaudrons destinés à chauffer l’eau et l’huile. Les tonneaux contenant les réserves, les seaux dans lesquels la poix serait montée aux remparts ainsi que les fagots et le bois à brûler – couverts de bâches protectrices – avaient été disposés au pied de chacun des escaliers d’accès.
    Quelqu’un courut, précédant Guillaume et un petit groupe devant lequel marchait le chapelain. C’était Tancrède, vêtue à nouveau en garçon. Sans trop comprendre le sens de son émotion, Ogier ouvrit les bras et reçut sa cousine contre sa poitrine. La violence du heurt le déconcerta.
    — Ogier !… J’ai langui en t’espérant !
    Il hocha la tête sans mot dire, avec un sérieux dont elle s’étonna. Mais quoi ! il fallait tromper ces gens, opposer à cet émoi qui la possédait et pouvait trop bien – ou trop mal – s’interpréter, un détachement feint au sujet duquel, plus tard, il s’expliquerait. Et puis, il avait tant à dire et à faire avant l’aurore.
    Il regarda Renaud et Haguenier très entourés, puis Saint-Rémy marchant droit au baron.
    — Ils m’ont tout mis à feu ! Ils ont occis mes gens et robé mon bétail.
    — Je l’ai compris, dit Guillaume, sans compatir – et le damoiseau s’en réjouit – aux malheurs de son beau-frère. Regarde : d’ici le ciel flamboie juste au-dessus de ta chevance [245]  !
    — Que

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