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Les lions diffamés

Les lions diffamés

Titel: Les lions diffamés Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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l’enfer les dévore !… Et dire que je tenais leur chef…
    Ogier aperçut Margot. Elle était en chemise. Elle avait les cheveux au vent, et leur blondeur semblait irréelle dans cette obscurité lourde. Elle observait Tancrède avec une espèce de jalousie, de colère. Cette expression s’aggrava lorsque la fille du baron désigna la ribaude immobile, assise à l’écart sur le premier degré d’un escalier.
    — Où l’as-tu trouvée, mon cousin ?
    — Je l’ai arrachée à ces pernicieux…
    La fille baissait la tête, gênée par ces retrouvailles et cette joie bruyante, et il avait autant pitié d’elle, maintenant, que lorsque Barbiéri s’en était emparé comme d’un butin de guerre.
    — À prime, ils essaieront de nous envahir, dit-il en se tournant vers son oncle. J’ai voulu convaincre Robin Canole de passer son chemin…
    — C’est donc lui !
    — Hélas ! je vous dirai comment je l’ai connu.
    Il ne fallait plus qu’il regardât Tancrède. Margot s’en retournait. Sa chemise, au loin, frémissait comme une flamme blanche. Pensait-elle à Anne autant qu’il y pensait ?
    — Je suis heureux de vous revoir, messire Argouges.
    C’était Pedro del Valle. Ogier le remercia, puis, comme Arnaud Clergue le serrait contre sa bedaine :
    — Vos prières, messire chapelain, m’ont sauvé d’une mort sans doute effrayante.
    — Bah ! Bah !… Lorsqu’il s’agit de la sauvegarde de ton corps, tu n’as guère besoin de prières, mon fils, pour te sortir des encombres.
    — Sont-ils nombreux ? demanda Girard, le plus jeune et le plus inquiet des soudoyers.
    — Une ou deux centaines ont suffi pour anéantir Saint-Rémy.
    Le baron se tourna vers son maître d’œuvre :
    — Alors, messire l’ingénieur ?… Voilà, pour vos ouvrages, la grande épreuve qui commence !
    Sicart de Lordat s’inclina :
    — Ma quiétude est grande, messire : ces coquins viendront battre vos murailles, puis s’en repartiront fort marris et sanglants… sauf ceux qui resteront dans le fossé !
    — C’est ce que j’espère !… Et vous également, Bressolles, je suppose ?
    Le maître maçon eut un mouvement de tête affirmatif.
    Saladin s’approcha sans hâte, mais sa queue battait fort. Ogier le caressa. Ensuite, le chien s’en alla flairer les haillons de la ribaude. Elle lui parla tandis que ses doigts glissaient sur son museau, ses oreilles.
    — Quel est ton nom ?
    — Adelis, damoiselle.
    — D’où viens-tu ?… Je veux dire : où es-tu née ?
    La voix de Tancrède n’avait rien d’outrageant. La fille parut lui en être reconnaissante.
    — Auriac, en Fenouillède… C’est loin.
    — Je connais ce châtelet, dit Bressolles… Tout en haut d’une montagne dite la Redoulade… Moi, je suis né à Arques…
    Le maçon adressa un sourire à la fille, puis fit face à Tancrède :
    — Où pensez-vous loger cette pauvresse ?… Ne pourriez-vous la prendre à votre service ?
    Il parut au damoiseau que sa cousine pensait, tout aussi suffoquée que lui : « Une pute ! » Cependant, elle s’inclina :
    — J’ai justement besoin d’une chambrière… Anne, mon cousin, ne remontera pas.
    À son sourire, Ogier comprit qu’elle était informée. Par qui ? Sûrement pas par Margot. Alors, ce devait être Claresme… ou Mathilde… ou Blanquefort…
    — Je vais te donner une robe, Adelis, et te montrer où te laver… Êtes-vous satisfait, messire Bressolles ?
    — Je resterai votre obligé, damoiselle.
    Le maçon s’éloigna d’un pas soudain léger.
    Claresme, présente un peu plus loin, dans les profondeurs obscures, avait tout entendu. Elle ne protesta pas. Elle se trouvait auprès de Pedro del Valle. Ogier songea : « Elle va s’accrocher à cet homme. Elle sait pourtant qu’elle n’est pas de son estoc [246]  ! » Soudain, il eut envie d’être seul, enfermé sur soi-même et sur sa lassitude ; envie de retrouver sa chambre austère comme une cellule de moine ; envie de caresser Titus, et surtout de préparer son épée, son haubert et son heaume.
    Il toisa Renaud, Haguenier et Saint-Rémy, indécis, puis se tourna vers Guillaume :
    — Rien ne presse, mais demain, mon oncle, je vous parlerai de ces trois-là ! Car si je suis vivant, ce n’est pas grâce à eux, mais à Canole.
    — Que me dis-tu là ?
    — Rien que la vérité !… Voyez d’ailleurs leurs faces de carême !
    Comment avait-il pu être assez sot d’aller risquer

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