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Les lions diffamés

Les lions diffamés

Titel: Les lions diffamés Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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protester. Cependant, son orgueil souffrait.
    — Il doit y avoir quantité de richesses en ces murs, et les gens qu’ils abritent sont certainement moins laids que ceux qui jonchent le sol autour de nous… Mais restons-en là, damoiseau. Je te baille ces couards et la putain en sus…
    L’Anglais se détourna vers le puits :
    — Eh, la fille !… Veux-tu les suivre ?
    La ribaude quitta la margelle sur laquelle elle était demeurée assise. Elle enjamba quelques cadavres. Elle rejetait parfois, d’une main, les cheveux que le vent rabattait sur son front et ses joues. Elle agissait dans une sorte d’indifférence. La malfaisance de tous ces hommes, leurs propos épicés et leurs gestes obscènes, rien ne l’atteignait.
    — Je veux bien partir, dit-elle d’une voix neutre.
    Les torches s’agitaient. Ogier perçut autour de lui une rumeur d’impatience. Il crut que les étoiles, brûlant leurs ultimes feux avant l’apparition du jour, accusaient la brillance des chapels de fer et des armes, mais il se méprenait : les flambeaux s’étaient multipliés, car la horde des envahisseurs venait de se grossir d’un contingent destiné, en cas d’échec, à fournir un second assaut. Par des cordes armées de grappins, ces archers et ces picquenaires avaient franchi les murs d’enceinte.
    — Allons, Knolles… Hâtons-nous, dit l’un d’eux.
    Devant chaque porte ouverte, un homme attendait, torche au poing, et son ombre dansait, noire sur le bois blême ou la pierre du chambranle. On voyait, contre les cloisons du dedans, le fantôme d’un meuble, d’un outil, d’un vêtement suspendu.
    — Pourquoi surquérir Rechignac ? questionna Ogier, face à l’Anglais. Vous allez y perdre inutilement des hommes. Les pierres sont neuves, hautes… Nous avons de quoi soutenir un long siège. Hommes et nourriture.
    Il mentait avec une espèce de rage. Il ajouta en ricanant :
    — Nos latrines sont inaccessibles.
    — Ton insolence et tes discours m’ennuient, my boy. Plus la guerre entre nous sera chaude, et plus elle me plaira.
    Puis le visage du conquérant se figea dans une expression d’inexorable dureté. Il était las de ces discussions, et surtout, il se refusait, devant ses hommes, à faire étalage de trop de bénignité.
    Ogier ne tenait pas à s’attarder davantage ; une lieue le séparait de Rechignac. Une lieue de nuit, de boue et de possibles embuscades… Ainsi, la suprême épreuve aurait lieu ! L’arrogante citadelle de son oncle allait subir une tornade de chair et d’acier. Là-bas déjà, et c’était rassurant, on devait s’apprêter à repousser les envahisseurs.
    — Les fossés de Rechignac seront les tombes de vos guerriers, messire.
    —  Go ahead, damoiseau.
    Le routier ne s’était pas retourné.
    Traversant sous les insultes et les quolibets ce grand remuement de routiers asservis à une seule passion, la guerre, Ogier pensa qu’il y aurait de nombreuses victimes à Rechignac, même si les défenseurs maintenaient toute cette truanderie hors de l’enceinte. Sauf ceux des femmes et des enfants, rien ne l’émouvait moins, pour l’instant, que les cadavres autour de lui. Sans l’intervention des Anglais et de leurs mercenaires, ces inconnus seraient devenus, les uns ses tourmenteurs, les autres les spectateurs réjouis de ses souffrances.
    Il y eut des cris, des chants. Robin Canole, impassible, distribua des commandements et le damoiseau se trouva entouré de Saint-Rémy, Haguenier, Renaud et la ribaude. On les poussa. Ils trébuchèrent sur des corps.
    « Ainsi, songea Ogier, la bataille aura lieu. »
    Pouvait-il en vouloir à ce Robin, féal du roi d’Angleterre ? Non. Il avait été loyalement prévenu que le sang coulerait encore. De plus, cet homme vil avait fait preuve à son égard et à l’égard des quatre autres d’une mansuétude sans doute inaccoutumée.
    Il laissa Saint-Rémy et les deux écuyers le précéder puis, comme il lui fallait parler pour dominer son angoisse, il dit à la fille :
    — Nous devons en hâte aviser mon oncle… Ne craignez rien désormais.
    Elle remua la tête et n’osa lui répondre.
    Dans l’obscurité ruisselante et lourde, un toit flamboya : celui d’une grange qu’un boutefeu venait d’embraser. Saint-Rémy se tourna vers les flammes de plus en plus hardies, et qui, avec un grondement et des tourbillons de plaisir, se repaissaient de fourrage, de paille et de bois.
    — Dieu les emporte tous ! Qu’il

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