Les lions diffamés
baronnesses, chevaleresses et bourgeoises de Londres qui allaient visiter la reine d’Angleterre à Gand.
Froissard décrit la bataille telle qu’elle est racontée dans ce livre, plus longue, d’ailleurs, dans le temps, puisque, entamée vers 6 heures du matin, elle s’acheva tard dans l’après-midi, les Anglais se battant à un contre quatre jusqu’à l’arrivée des communiers de Bruges et des pays voisins, par voie de terre.
Or, selon la Chronique des quatre premiers Valois, ce serait par la terre que la bataille aurait commencé. On y découvre aussi deux noms inconnus des autres chroniqueurs : Charles de la Gouvande et Pierre d’Estelant, alors que Barbanera semble avoir été confondu avec Bahuchet.
En l’an mil trois cens quarante, le roy Philippe fist une armée par mer sur les Flamens. Dont estoient et furent chiefs Charles de la Gouvande, Hue Kerest et Beuchet, noble homme de la duché de Jennes, et monseigneur Pierre d’Estelant, Normant, aussi fors comme geans. Avecquez iceulx out bien mil hommes de la coste de la mer de Normendie et de Picardie avec les gens d’armes et arbalestriers. Ilz singlèrent par mer tant qu’ilz vindrent à l’Escluze en Flandres et là se tindrent devant l’Escluze et se antrerent. Les Flamens vindrent sur la terre jusques au nombre de bien dix-huit mil. Les Françoiz leur requistrent place à combatre.
Le chroniqueur, ensuite, ne fournit aucune variante sur la façon dont se développa la bataille. Cependant, il insiste sur le rôle de Pierre d’Estelant, homme particulièrement hardi, qui était entouré de gens morts « bien occist de sa main plus de cent Angloiz. Mais par force par derrière, il fut mort et occiz ». Dix mille Anglais périrent.
Les Grandes Chroniques de France font grand reproche à Barbanera de ce dont Froissart le loue, c’est-à-dire d’avoir choisi des gens de mer, « poissonniers et mariniers », au lieu de chevaliers en quête de forts salaires et ne correspondant pas à ce type de bataille. Quant à Bahuchet, qui commandait aussi, elles relatent qu’« il savait mieux se mêler d’un compte à faire que de guerroyer en mer ». Il était trésorier de la Couronne et conseiller du roi. Il avait été un des commissaires nommés pour entendre les dépositions des témoins dans le procès de Robert d’Artois. Il fut associé de longue date à Hugues Kieret dans le commandement des vaisseaux qui croisaient contre les Anglais. Barbanera commandait les Génois. Ces trois maîtres écumeurs avaient pour adjoint Mathieu Quiefdeville [257] .
La marine française était alors la plus puissante d’Europe. Au cours de l’hiver 1338, elle avait fait, selon Froissart, « plusieurs dommages aux Anglois », et le chroniqueur de poursuivre :
Et venoient souvent courir jusques à Douvres, Wincesé, à Rie et là environ sur les côtes d’Angleterre ; et les ressoingnoient durement les Anglois, car c’ils étoient si forts sur mer que plus de quarante mille soudoyers étoient en leur compagnie ; et ne pouvoit nul issir, ni partir d’Angleterre, qu’il ne fût vu et scu, et puis pillé et robé ; et tout mettoient à mort. Si conquirent ces dits mariniers du roi de France en cet hiver maint grand pillage ; et par espécial ils conquirent la belle et grosse nef qui s’appeloit Christophe, toute chargée d’avoir et de laines que les Anglois amenoient en Flandre, laquelle nef avoit coûté moult d’avoir au roi anglois à faire faire. Mais ces gens la perdirent sur ces Normands, et furent tous mis à mort.
Le sac de Douvres par les Français : tueries, incendies, viols, etc., ne pouvait être pardonné. Si c’est à l’unanimité que les historiens attribuent la défaite de l’Écluse à la division des chefs choisis par le roi de France, aucun, sauf Charles de la Roncière, ne souligne que la fureur de vaincre des Anglais avait pour cause leur ressentiment envers les incendiaires et meurtriers de Douvres et de quelques autres ports, en particulier Southampton.
Barbanera voulait que la flotte quittât la côte et se portât à la rencontre des Anglais, mais les « amiraux » persistèrent dans leur volonté de demeurer près de la terre, resserrés dans une anse qui, de façon patente, annihilait leur supériorité. Cette position devint nuisible en quelques instants : les vaisseaux manquant d’espace pour manœuvrer se gênaient et ne pouvaient se prêter assistance. Le commandant génois parvint à
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