Les lions diffamés
s’échapper. Hugues Kieret fut assassiné de sang-froid après avoir été capturé. Bahuchet fut pendu au maître-mât de son vaisseau. Le roi d’Angleterre avait été blessé à la cuisse peu après qu’il fut monté à bord du Christophe.
Les ports d’armement français étaient alors au nombre de vingt-cinq. Tous, à l’exception de huit (Le Crotoy, Saint-Valery-sur-Somme, Abbeville, Waben, Étaples, Boulogne, Calais, Saint-Savinien-en-Saintonge, qui fournirent, avant la bataille de l’Écluse, une quarantaine de navires) appartenaient à la Normandie.
Les comptes de François de l’Hôpital, clerc des arbalétriers du roi, nous donnent des informations précises sur le nombre des navires armés dans chaque port normand et les dates de leur approvisionnement.
Cherbourg arma 4 navires ; Barfleur 9 ; la Hogue 10 ; un mouillage dit la Roche-de-Maisy ou la Baie-de-Vire, qui désigne l’embouchure de cette rivière, 8 ; Caen 14 ; Touques 5 ; Honfleur 6 ; Fiquefleur 1 ; Pont-Audemer 4 ; Rouen 7 ;
Caudebec 2 ; Leure (aujourd’hui le Havre) 42 dont 3 galées montées chacune par 200 hommes et 3 barges appartenant au roi de France ; Harfleur 9 ; Le Chef-de-Caux (actuellement Sainte-Adresse) 3 ; Étretat 6 ; Fécamp 2 ; Dieppe 28 dont 2 étaient la propriété personnelle du roi et 2 autres montés chacun par 200 marins dieppois. En tout 160 bâtiments. En y joignant les 40 navires provenant des autres ports (à savoir 2 de Saint-Valery-sur-Somme, 12 d’Abbeville dont 6 barges possédées par des particuliers et 2 barges royales ; 2 de Waben, 9 d’Étaples dont une barge ; 10 de Boulogne dont 3 barges ; une nef de Calais), soit 200 voiles [258] .
Les préparatifs de cette expédition avaient commencé le 2 mai à Leure, le 4 à Honfleur, le 5 à Harfleur, le 7 à Dieppe, le 8 à Caen, le 9 à Rouen où le seul armement de la barge Saint-Jean ne se termina que le 26. L’armement du vaisseau amiral le Christophe commença le 24 mai à Honfleur. Dès 1338, Bahuchet avait fait placer sur une de ses barges un pot à feu à tirer des garrots. Si cette « nave » était à l’Écluse, elle ne put faire usage de l’ancêtre du canon.
OÙ EST L’ÉCLUSE ?
À propos de cette bataille, un fait reste à élucider : où se passa-t-elle exactement ?
Quelques jours après la première édition de cet ouvrage, l’écrivain et archéologue normand Frédéric Scuvée nous adressait ces lignes à propos de l’Écluse :
Il semble, finalement, que personne ne paraît avoir connaissance du lieu exact de cette bataille navale (?). Au moins deux emplacements sont avancés :
1. Auprès du bras occidental de l’Escaut (ou Scheld), d’une largeur rédhibitoire, dont jamais la flotte française n’aurait pu barrer l’ouverture, même avec 200 barges disposées en deux lignes.
2. Le barrage sur le canal du Zwin qui mène au port de Brugge (Bruges).
Pour la première hypothèse, un argument : il existe encore maintenant, en pleine terre, un bourg du nom de Sluys (Écluse) – sans article. Mais topographiquement et tactiquement, la seconde serait plus favorable. Cependant, il n’existe pas de Sluys (Sluijs) depuis longtemps. Et pour cause, puisque tout le territoire, autant que pour la première hypothèse, a été totalement ensablé.
Il y avait de nombreuses écluses au Moyen Âge car, à marée haute, toute cette zone littorale aurait été inondée sans l’existence de « portes à flot » et d’écluses soigneusement entretenues.
D’autre part, je n’arrive pas à retrouver si, grammaticalement, Sluys est masculin ou féminin [259] . En allemand, c’est féminin, donc : Die. Soit De ou Het. Je me demande, d’ailleurs, si l’Écluse désigne un village ou tout simplement une écluse ordinaire, sans nom particulier. Les textes manquent de clarté. Il faudrait posséder une carte ancienne, c’est-à-dire un document datant d’avant les ensablements. Archéologiquement, comment pourrait-on retrouver les épaves de cette bataille sous plusieurs mètres de vase ? Dommage que l’on ne possède pas leur localisation.
La question des limites littorales est très malencontreusement un domaine inconnu des historiens. Or, ce tracé est encore, actuellement, mouvant. L’ignorance de ces variations empêche souvent toute compréhension du déroulement des événements. Ne prenez, par exemple, que l’étude du point de départ de la flotte d’invasion de Guillaume, point qui
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