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Les lions diffamés

Les lions diffamés

Titel: Les lions diffamés Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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escompté.
    Rechignac se tourna vers son chapelain :
    — Ces païens ne croient qu’à l’Antéchrist !… En vérité, leur dieu est cet homme félonneux et cruel : Robin Canole !… Nous croyons, nous, au roi du Paradis, qui est mort et ressuscité !… C’est pourquoi nous aurions grand tort de craindre ces maudits, quel qu’en soit le nombre !
    Arnaud Clergue l’approuva, mais il tremblait d’effroi.
    Ogier n’était plus troublé à l’idée du prochain affrontement. Au contraire, sa hâte de voir ces préliminaires odieux s’achever faisait d’inquiétants progrès : il avait envie de cracher sur Canole – ou dans sa direction – et se maudissait d’avoir aidé cet homme à sortir de ses fers. Mais comment aurait-il pu deviner, dans ce cachot où Saint-Rémy l’avait enfermé, qu’il était en présence d’un aussi redoutable chef de guerre ? Quand il en avait eu le pressentiment, l’Anglais était libre, ou presque ! De plus, il lui devait d’être en vie !
    « Nous sommes bien peu, mais il ferait beau voir nos gars manquer de confiance, songea-t-il. Cependant, si nous pouvons repousser les premiers assauts, qu’adviendra-t-il des suivants ? Ce Goddon perdra des douzaines et des douzaines d’hommes au franchissement du fossé. Il va pourtant se permettre ces terrifiantes dépenses… Leurs échelles ne sont pas de taille, mais ils peuvent, en liant des troussières, en assembler deux pour en faire une… Certes, celles qu’ils formeront ainsi fléchiront en leur milieu. Mais sait-on jamais !… En outre, ils disposent d’engins de guerre et s’ils peuvent les amener jusqu’ici malgré les tirs de notre archerie, il grêlera des rocs sur nous avant la nuit. »
    Derrière Knolles, les chefs bavardaient aussi sereinement que des bourgeois au marché. Plus loin, dépassant de la tête et des épaules toute la horde impatiente, le nommé Tranchelion bâillait, et les picquenaires s’impatientaient, relâchant leur discipline ; plus loin encore, le vaste anneau de corps et d’armes bougeait. Certains mercenaires profitaient de cette longue joute oratoire pour soulager derrière une haie ou un rocher une envie pressante. Ils révélaient ainsi que, quelque braillards et audacieux qu’ils parussent, ils avaient peur. Les chevaux hennissaient : arrêtés en pleine montée, ils secouaient la tête, rongeaient leur mors, ruaient ou jouaient du sabot, suscitant les cris des cavaliers à bout de patience.
    Soudain, des fumées montèrent du village, et de grises devinrent brusquement brunes : la truandaille incendiait les maisons. Portés par le vent, des cris, des rires d’hommes, et ceux des ribaudes attachées à leur destin, parvinrent aux oreilles du damoiseau.
    — Nous voulons entrer et nous entrerons ! hurla Knolles.
    Après avoir déroulé le parchemin qu’il venait de saisir, dans la main de son héraut, avec une brusquerie révélant un courroux dont Ogier pressentit la violence, l’Anglais lut sa sommation d’une voix sèche à laquelle son accent conférait une espèce de monotonie. On entendait pourtant des mots plus sonores que d’autres : trépas, faim, misère. Et même Dieu. Or, dans la bouche de ce combattant indigne, ils perdaient toute valeur. Et les hommes d’armes et les vilains prudemment penchés aux créneaux écoutaient, hochant la tête. Beaucoup fronçaient les sourcils ; d’autres tendaient l’oreille ; d’autres encore fourrageaient leur barbe pour en tirer les fétus qui s’y étaient collés pendant un bref sommeil. Ce dédain silencieux, presque en surplomb sur sa personne, irrita l’orateur ; il termina précipitamment, après avoir mangé la moitié d’une phrase :
    — … et croyez-moi, soumettez-vous, sinon nous aurons le regret de devoir vous occire.
    Intrépide, à l’extrême bord de la muraille, Ogier leva ses bras dont les mailles scintillèrent.
    — Nous occire ? Et comment ? Croyez-moi, messire Knolles, vous ne nous atteindrez jamais. Car je puis vous l’assurer derechef : nos latrines sont plus hautes et mieux préservées que celles de Saint-Rémy.
    Le chef de bande s’ébaudit, entraînant dans son hilarité ses capitaines, sauf Barbiéri toujours couvert de son tabard templier, mais il était d’une pâleur mortelle.
    — Nous aurions pu déjà vous briser le corps. Regardez.
    Ogier désigna Blanquefort, l’arbalète à l’épaule et la corde tendue.
    Sur un signe du baron, le sénéchal abaissa

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