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Les lions diffamés

Les lions diffamés

Titel: Les lions diffamés Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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Gardons-nous !
    Ogier entrevit, à l’arrière du vaisseau, un guerrier vêtu d’une longue cotte de cuir blanc, l’épée prête à trancher, pourfendre, ensanglanter.
    — Édouard ! dit Godefroy d’Argouges. Au moins, les Goddons se sont-ils donné un conduiseur hardi.
    — Va-t-il nous assaillir ?
    Ogier dut s’avouer qu’il s’exhortait au courage. Vainement. Un gabier qui passait et l’avait entendu lui tapota l’épaule :
    — Il va nous aborder et nous envoyer par le fond ! Moi, je me sauve !
    Ensuite, usant des coudes et de la voix pour se frayer un passage, l’homme disparut dans la cohue.
    Godefroy d’Argouges avait assisté, muet et méprisant, à cette scène.
    Il poussa son fils en avant :
    — Entre dans ce tonneau. Il empunaise, c’est vrai, la saumure ; c’est toutefois le meilleur des asiles. Surveille-nous. Nous pouvons les refouler, mais dans le cas contraire, n’attends pas que les Anglais t’entourent pour guerpir.
    — Mais, Père, j’aimerais mieux…
    — Je sais. Tu es trop jeune encore pour nous venir en aide.
    « Obéis sans te rebiffer à la manière de ce gabier dont la couardise mérite la mort, d’où qu’elle vienne.
    Tourné vers ses deux compagnons comme s’il s’attendait à des objections, le seigneur de Gratot commenta :
    — Qu’Ogier entre dans ce malestan [60] ne peut-être une lâcheté de sa part… Vous voyez d’ailleurs comment il y consent !
    Blanquefort eut un indéfinissable mouvement du menton ; Rechignac resta muet, immobile, et Godefroy d’Argouges prit ce silence pour de la réprobation.
    — Tu ne peux pas savoir, toi ! lança-t-il au baron. Tu n’as que deux pucelles, et elles sont loin.
    C’était dit d’une voix lasse, grognonne, sans aucun effort d’aménité. Rechignac n’avait fait allusion qu’une fois à ses filles – pour confier à son beau-frère ses intentions d’envoyer quelques années la plus jeune, Tancrède, indocile, au couvent. Il ne se méprit pas sur l’état d’esprit de son parent :
    — Tu fais bien de mettre ton gars en sécurité, et, ma foi, je te l’ai dit : ce baril est le meilleur refuge que nous ayons pu lui trouver sur ce vaisseau.
    — Si je meurs, comprends-tu, il faut qu’Ogier…
    — Garde tes raisons, coupa Guillaume. Je suis veuf depuis longtemps. Si je meurs, moi, mes pucelles deviendront je ne sais quoi… Certes, s’il survit et retourne au pays, Blanquefort pourra veiller sur elles.
    Le baron écarta d’un geste ces conjectures : elles l’importunaient. Blanquefort n’ayant pas bronché, il ajouta :
    — Godefroy, si j’avais un gars, je l’aurais pris avec moi comme tu l’as fait, car c’est la meilleure probation que je connaisse. Et je le préserverais de façon qu’à ma mort mes armes, mon nom et mon sang continuent.
    Il toucha l’épaule de son neveu :
    — Ne te montre pas plus rétif qu’il ne convient. Aurais-tu l’âge d’ostoier [61] que je serais le premier à te crier : « Bats-toi ! » Présentement, tu dois obéissance à ton père… Alors, enjambe ce baril ! Ton père et moi… et la sagesse l’exigent.
    Ogier bouillonnait de malerage : lui, là-dedans ? Il se tourna vers Blanquefort, espérant que son attitude avait au moins obtenu son assentiment. Il découvrit sur le visage figé du sénéchal, non seulement une tristesse infinie, mais une sorte d’agacement. Estimait-il qu’il devenait un trop lourd fardeau, et se disait-il qu’à la place de Godefroy, pour une expédition pareille, il ne se serait jamais encombré d’un enfant ?
    — Ou tu entres là-dedans, insista Guillaume, ou ton père et moi te balançons par-dessus bord.
    — J’aimerais bien voir ça, gronda Ogier.
    Le tonneau lui arrivait à la poitrine. Une main crispée sur la corde qui le fixait au mât, le garçon regarda une dernière fois en direction du château d’avant.
    Quoique la nef amirale n’eût pas encore été abordée, sa défense commençait. Les arbalétriers tiraient sur les balinghiers d’Angleterre, maintenant à portée de carreau, et dont parfois un homme se détachait d’un gréement. Derrière eux, accroupis ou agenouillés pour échapper aux sagettes ennemies jaillies en sifflantes nuées, les chevaliers et leurs écuyers attendaient l’instant du premier heurt. Tous avaient dégainé. Des cris, des jurons, des blasphèmes éclataient tout au long de cette haie vivante, écaillée de fer et de bois, et dont un homme

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