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Les lions diffamés

Les lions diffamés

Titel: Les lions diffamés Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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j’aie eu la faiblesse de tout te révéler. Ce sont les événements autant que mon amour pour toi qui m’y ont poussé.
    Ogier se sentit rougir. Guillaume, incommodé lui aussi, se racla la gorge et se leva. Sa gravité devint extrême :
    — Avant-hier, au Puy-Saint-Front, Salviati, tu le sais, toujours bien informé, m’a dit que du côté de Mussidan, des forteresses réputées imprenables sont tombées sous les assauts de cette truandaille anglaise.
    — Pourquoi nous avoir tu les propos du Lombard ?
    — À quoi bon affoler nos gens ? Il paraît qu’un certain Robin Canole commande à quelques milliers de routiers. On le dit sournois et mauvais. C’est pourquoi, tous sentiments mis à part, je te demande de rester avec nous jusqu’à ce que ces Goddons, Gascons et autres mercenaires s’en retournent en Guyenne.
    Ogier considéra le vieillard sans lui dissimuler sa surprise. Éprouvait-il soudain de l’inquiétude ?
    — Mon oncle, si ces démons survenaient, il n’y a pas en ces murs suffisamment de gars aguerris pour soutenir un siège… C’est dès à présent qu’il nous faut essayer d’assembler des hommes d’armes dignes de confiance. Or, j’ai grand-peur que nous n’y parvenions pas… Si par malheur les Goddons nous cernaient maintenant, nous serions perdus.
    — J’y songe… S’ils s’en prennent à Bergerac, ils nous laisseront le temps de préparer nos défenses.
    Les trente hommes qui tenaient garnison à Rechignac étaient la plupart vieux, débonnaires. Entre deux travaux champêtres, l’essentiel de leurs activités consistait à veiller aux remparts et, chaque dimanche après la messe, devant les bersails ou le papegai [158] à prouver leur habilité. Avec eux, pour repousser une attaque, il fallait compter sur le personnel du baron : trente-trois serviteurs logés tant bien que mal dans les bâtiments accotés à trois pans de murailles ; quatre forgerons et six palefreniers ; les vingt villageois – s’ils pouvaient, prévenus à temps, monter jusqu’au château accompagnés de leur famille ; Didier, Renaud et Haguenier. Quant aux maçons, couvreurs et charpentiers, il leur tardait d’abandonner la promiscuité de leur gîte – une grange aux greniers aménagés pour dix couples, leurs rejetons et leurs chiens. Sauf quatre gars mariés à des filles natives de Rechignac, tous partiraient, les uns pour Vieillesegure avec Sicart de Lordat, et le restant chez eux, dans le comté de Foix, en Roussillon et même en Langue d’Oc. Mais tous ces tâcherons forts en gueule et en muscles se battraient en cas d’encerclement : cette citadelle était leur œuvre.
    — Malfaisants Goddons ! grommela Guillaume. Nous étions pourtant si bien…
    — C’est vrai, mon oncle. Tancrède vous fera oublier mon départ.
    — Je n’en crois rien, et toi, tu n’en crois rien aussi.
    Après avoir contourné les latrines, ils parvenaient à l’angle que la Malthide formait avec la muraille. Ogier s’approcha des créneaux dans l’intention d’observer la campagne. Il n’en eut pas le temps : surgissant d’une des tours portières, Chastagnol embouchait son cor.
    La plainte de l’instrument fut brève, car le portier manquait de souffle ; mais Bérault, un homme d’armes, sortit des latrines en rajustant ses chausses. Tout en bouclant sa ceinture, il regarda vers le hameau. À son tour, il porta sa trompe à sa bouche. Longtemps le mugissement de la corne de bœuf surnagea au-dessus des bruits du château, immobilisant les ouvriers dans la cour et agglutinant des visages dans l’embrasure des fenêtres. Et ce fut, sauf l’aboiement d’un chien, le silence.
    — Un chevaucheur, messire ! hurla Chastagnol en courant au-devant du baron.
    — Viens, Ogier, allons à la bretèche. D’au-dessus du pont-levis, nous verrons mieux à qui nous avons affaire !
    Quand le vieillard se pencha au milieu du parapet crénelé reliant les tours de l’entrée, le cavalier parvenait sur l’esplanade. Apercevant des visages, il agita la main :
    — Holà !… Holà !… Qu’on m’ouvre incontinent.
    Il portait une cotte grise, loqueteuse, sur un haubergeon en piteux état. Sous son chapel de Montauban, sa figure était un buisson de moustache et de barbe. Son noir coursier semblait fourbu. Un écu rond, une besace, une arbalète et un carquois demi-plein pendaient aux arçons de sa selle.
    — Qui est-tu ? demanda Guillaume.
    — Grégoire Savignol, message [159]

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