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Les lions diffamés

Les lions diffamés

Titel: Les lions diffamés Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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ignore la vraie raison de ta présence.
    — Je peindrai aujourd’hui mes lions sur mon écu !
    — Rien ne t’y oblige, Ogier. Tu peux chevaucher avec un écu et un tabard à mes armes… N’es-tu pas par moitié Argouges et Rechignac ?
    — C’est vrai, mais mes lions, même diffamés, j’en suis et serai fier !… Je m’attends à ce que, les voyant, manants, bourgeois et seigneurs s’ébaudissent ou s’indignent : «  Un traître ou fils de traître  »… ou quelque autre ânerie… Alors je sortirai mon épée. Ah ! mon oncle, après ce que vous m’avez divulgué, j’ai plus d’impatience encore à retrouver les miens !
    — Tu pars quand ? Vas-tu précipiter ton départ ?
    — À quoi bon ? J’ai décidé que ce serait le prochain dimanche après la messe et ne changerai rien à mes dispositions. J’ai pourtant hâte d’affronter Blainville !
    — Il te faut pour cela le confondre. Apporter à tes accusations des preuves testimoniales… et tu n’en as guère !
    — Je l’étendrai sanglant à mes pieds. Son maudit nom s’éteindra.
    — S’éteindra ?… Tout beau, mon gars. Tu oublies qu’il a un neveu : Jean de Maugenchy de Blainville, qu’on appelle aussi Mouton de Blainville [155] .
    — Eh bien, si ce mouton se fait loup pour revancher son parent, je l’enverrai le rejoindre en enfer !
    Le baron s’assit sur un tabouret oublié par un guetteur. Il contempla ses mains posées sur ses genoux. Larges, solides, brunes et armées de longs doigts aux ongles ras, elles ne portaient aucun anneau. Mille et mille fois, elles avaient empoigné la lance, l’épée, l’énarme et la guige de l’écu, de sorte qu’elles étaient un peu crochues et que leurs paumes calleuses, qu’il frottait maintenant sur ses cuisses, luisaient comme les vieux cuirs.
    — Pour les temps à venir, il convient que j’aie en ces murs un gendre de ton espèce. Un gars aussi capable de contrester [156] aux agresseurs que d’imposer l’inquiétude et le respect à des voisins turbulents. Il lui faudra s’adjoindre un écuyer, voire un sénéchal à ta semblance. Blanquefort a vieilli. De plus, il n’est point chevalier.
    — S’il est un homme qui, avant moi, mérite les éperons, c’est lui ! Pourquoi ne l’avez-vous pas adoubé ?
    Guillaume éluda cette question ; elle l’indisposait chaque fois qu’elle lui était posée.
    — Ah ! dit-il, pour quelle raison Dieu m’a-t-il refusé un fils ? Qu’ai-je à faire de deux pucelles ?
    Ogier eut un geste de protestation et le baron s’apaisa :
    — Je sais ce que tu vas me répondre. Tancrède est rude. Tu as vu en quel état ces nonnains me l’ont rendue. La voilà plus encline à porter le heaume qu’une de ces coiffes absurdes – huves ou templettes – dont les dames aiment à se jolier.
    — Quoique différente de celle que vous attendiez, votre puînée vous plaît toujours autant.
    Le damoiseau se garda d’exprimer les pensées que cette fille, à vrai dire inconnue, avait développées dans son esprit. Car c’était une étrangeté qu’elle fut si garçonnière. Sans doute ne serait-ce point de son côté que viendrait le gendre espéré par Guillaume. Si ses formes, revêtues d’une robe de velours ou de baudequin [157] pouvaient embraser l’imagination des prétendants, son caractère abrupt et ses façons revêches les rebuteraient avant même qu’ils lui eussent fait compliment de sa beauté. Auprès d’elle Claresme, pâle et blonde, inspirait plus de commisération que d’envie. Elle allait, jour après jour, de sa chambre à la chapelle, filait la laine, s’absorbait dans la confection d’une tapisserie et même aidait Mathilde à la cuisine quand l’envie l’en prenait. Elle riait peu, parlait à peine et soupirait souvent. Quels rêves, quels désirs peuplaient sa tête et son cœur ?
    — Es-tu heureux de les quitter, elles aussi ?
    Ogier ignora cette question. Heureux, lui ? Bien qu’il eût vécu près d’elle pendant cinq ans, il oublierait Claresme plus aisément que sa sœur. Et pourtant, elle avait, quand leurs regards se croisaient, des rougeurs, des gestes embarrassés ; et lorsqu’ils se parlaient seul à seul – rarement –, des balbutiements au sujet desquels il cesserait bientôt de s’interroger.
    — D’ici à ton départ, tu vas côtoyer Aspe, Benoît, Calmels et Raymond… Tiens ta langue. Évite de leur montrer que tu sais… Ils ne comprendraient pas que

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