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Les lions diffamés

Les lions diffamés

Titel: Les lions diffamés Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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ennemis, paraît-il…
    — Et pour cause : ils sont tous deux alliés à l’Angleterre !
    — Pour en revenir à Blainville : il est puissant, retors, félonneux et austère [153] . Souviens-toi de la dégradation de ton père.
    D’un regard, le baron enjoignit le silence au damoiseau indigné.
    — C’est façon de parler, tu devrais le savoir… Maudit soit ce jour-là !… Lancelot de Longval se rangea du côté de Godefroy d’Argouges.
    Comprenant où il voulait en venir, Ogier devança les explications du vieillard :
    — Je sais… Lancelot est mort six mois après son retour de la Broye. On a trouvé son corps sur les terres de Gauthier d’Evrecy, duquel il s’était éloigné pour suivre les fumées [154] d’un cerf.
    — Le bruit a couru qu’il avait cogné une branche de la tête, alors que son cheval s’était affolé… Donc, il aurait dû être heurté de front. Or, avant qu’on cloue son cerceuil, les chevaliers présents ont vu que son visage ne présentait aucun coup de lorgne.
    — Mais sa nuque était brisée !
    — Un mois plus tard, ce fut le tour d’Évrecy. Loubignac nous a dit qu’il avait vomi du sang pendant deux jours… Et peu après, on a trouvé Raoul de Longpré pendu à une poutre de son écurie… On a raconté que c’était le désespoir d’amour qui l’avait poussé à cet acte… Allons donc !… Il y a du Ramonnet là-dessous.
    Comme le vieillard sourcillait dans un effort de mémoire, Ogier le précéda dans sa conclusion :
    — Quant à Ernauton de Penne, il chevauchait sur le chemin de Malestroit lorsqu’un trait l’a touché au cœur… L’auteur de ce coup-là n’a jamais dit pourquoi il avait encoché sa flèche !
    Guillaume haussa les épaules :
    — Les gens qui procédèrent à son interrogatoire étaient des piètres tourmenteurs… Songes-y, Ogier, quand tu auras Blainville à portée de hache ou d’épée : en le pourfendant, tu ne vengeras pas que ton père. Ces quatre-là, eux aussi, sont ses victimes, j’en jurerais !
    — Nul doute là-dessus, mon oncle… Mais pourquoi vous a-t-il épargné ?… Courroux, humilité : dans les maudits murs de la Broye, vous avez tout essayé pour qu’il renonce à dégrader mon père.
    — Il me sait loin des intrigues de Cour, et sur l’autre versant de la vie. Sais-tu pourquoi il ignore que je t’ai accueilli ?
    Ogier avait trop d’empire sur lui-même pour montrer quelque surprise à cette question cent fois posée – si ce n’était davantage –, et demeurée sans réponse.
    — Qu’il le sache ou non m’est indifférent. Il ne m’importe que d’obtenir ma vengeance.
    Le baron fronça les sourcils. Une nouvelle inquiétude, à moins que ce ne fut une gêne, l’immobilisa un moment ; puis, défiant son neveu du regard :
    — Ah ! là là… On peut dire qu’avec ce départ auquel je m’attendais, mais dont l’imminence m’escagasse, je suis contraint d’agir à l’opposé de mes prévisions !
    — Que voulez-vous dire ?
    Heurtant ses poings l’un contre l’autre, et après une longue inspiration, Guillaume prit son élan :
    — Eh bien, voilà – et crois-moi, j’aurais voulu t’informer d’une autre manière, car à présent j’ai l’air, à ton égard, de me libérer d’un ressentiment qui m’étouffe – : avant de nous séparer dans la cour de la Broye, ton père, dont il me faut louer la prudence, a décidé de répandre autour de lui la nouvelle de ton décès.
    — Mon père !
    Ébahi par cette révélation faite sur le ton d’un grief, le garçon se mordit les lèvres pour ne pas crier sa réprobation et sa douleur. Ainsi, depuis cinq ans, il vivait dans l’ignorance et le mensonge. Il n’existait que pour les gens de Rechignac !
    —  Godefroy avait grand souci de ta sécurité, mon gars, reprit doucement Guillaume. Ne t’en déplaise, tu as trépassé du côté d’Abbeville, en revenant à Gratot… Une mauvaise fièvre contractée dans le bourbier de l’Écluse.
    —  Il a décidé ça !
    — Je te le jure sur le sang du Christ ! Et conviens-en, au lieu de t’indigner bêtement : rien ne convenait mieux à ta protection… N’oublie pas que Blainville t’avait menacé, toi aussi, sur le pont du Christophe.
    —  Ainsi, ma mère et ma sœur me croient mort !
    — Eh oui, soupira Guillaume, tête basse. Ce n’est pas de gaieté de cœur que Godefroy s’est aconvenancé avec moi, alors que tu t’attardais auprès

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