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Les lions diffamés

Les lions diffamés

Titel: Les lions diffamés Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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du comte de l’Isle-Jourdain.
    — Que veux-tu ?
    Lâchant les rênes, l’homme réunit ses mains en cornet :
    — Il me faut changer de monture, la mienne s’est entretaillée. De plus, elle court depuis Bergerac… Ouvrez, messire… Par Dieu et tous les saints, ouvrez !
    — Que fais-tu à galoper ainsi ?
    — Il me faut atteindre le duc Jean au plus tôt pour lui remettre un bref… Et j’ai grand besoin d’un cheval frais.
    Guillaume tourna vers Ogier un regard fatigué puis, à l’adresse de Chastagnol :
    — Cours lui ouvrir ! Et toi, Bérault, ne bouge pas et veille au grain… Par ma foi, ni Didier, ni Renaud, ni Haguenier ne sont présents pour accueillir cet homme… Sont jamais là quand on a besoin d’eux.
    Tandis que le pont s’inclinait, le baron ajouta :
    — Voilà un gars qui m’a l’air rude !
    Devançant son oncle, Ogier dégringola l’escalier conduisant à la haute cour. Ils parvinrent ensemble devant le puits en même temps que le chevaucheur. Celui-ci sauta de son cheval, tituba et s’accrocha au bras de Griveau qui venait de saisir les rênes.
    — Sang-Dieu, cette course m’a épuisé… Mon Bayart aussi. Voyez comme il écume !
    Il s’inclina devant Guillaume, Ogier et Vivien de Podensac.
    — Messires, Dieu vous garde !… Service du roi du duc Jean.
    Écartant l’encolure de sa cotte, il montra au baron, accrochée à une chaînette, une bague à chaton rond sur lequel Ogier entrevit une fleur de lis [160] .
    — Avant de paroler, j’aimerais qu’on fasse diligence pour mettre mon Bayart à l’écurie avec un bon tas de fourrage et un seau d’eau.
    — D’accord, dit Guillaume. Et tu veux un cheval en échange ?
    De l’avant-bras, le sergent essuya sa bouche et sa moustache souillées par la poudre des grands chemins.
    — Il me le faut vaillant… J’ai moult lieues à couvrir encore.
    — On peut lui confier Prinsaut, suggéra Ogier à son oncle.
    — Je vais le lui faire préparer, dit Vivien.
    — C’est un bon coursier, commenta Guillaume. Ménage-le et rapporte-le si tu le peux.
    Tandis que Vivien s’éloignait, menant le cheval fourbu par la bride, Guillaume entraîna le messager vers le donjon.
    — Tu vas tout de même boire et manger, Savignol !
    — Pas de temps. J’ai ce qu’il faut dans ma besace.
    — Tu viens de Bergerac. Nous en sommes à dix lieues… Tout va-t-il bien ?
    — On s’y bat, messire.
    L’homme portait des housseaux croûtés de boue séchée. Une épée pendait à sa hanche, si longue que sa bouterolle touchait le sol.
    — On s’y bat depuis plus d’une semaine, messire [161] .
    — Ah ! s’exclama Blanquefort en s’approchant. Le capitaine et les sergents d’Excideuil prétendaient le contraire.
    On s’assemblait autour d’eux. D’un geste, Guillaume invita les curieux à se disperser. Comme Mathilde, angoissée peut-être, demeurait immobile, il se fâcha :
    — Ne sais-tu plus, ma grosse, obéir à ton maître ?… Va préparer en hâte une outre de vin, des saucisses et du bacon… Tout cela dans un sac… Hâte-toi !
    La commère, sciemment, partit à pas comptés.
    — Boudious ! dit Savignol en désignant du doigt la Mathilde, j’accepte votre Prinsaut, mais vous pourriez m’offrir cette mule que je vous la refuserais !
    Il passait à proximité du puits. Il arracha une feuille à un chêne et la mordilla tout en s’asseyant sur la margelle. Ensuite, l’ayant crachée :
    — C’est pas parce que j’ai le mien douloureux, non, faut pas croire : Montcuq est tombé depuis trois semaines. J’y étais, baron, par ma foi. La garnison – ou ce qu’il en restait – s’est retirée jusqu’à la Madeleine, et de là jusqu’à Bergerac…
    Blanquefort déroula la corde du treuil et remonta un seau ruisselant d’eau. Savignol aussitôt y plongea ses mains réunies en coupe et but avec avidité. Il recommença, cette fois pour se débarbouiller, tandis que Guillaume demandait :
    — Ils sont si forts que ça ?
    — Forts et nombreux ! Nous n’avons, contre eux, que des Génois, des bidaux [162] et des manants mal armés… Heureusement qu’ils ont tous du cœur au ventre !
    — Qui les commande ?
    — Le comte de l’Isle, le comte de Comminges, le vicomte de Carmaing, le sire de Duras… le vicomte de Villemur, le sire de…
    — Avez-vous perdu beaucoup d’hommes ?
    — Hélas, oui !… Les vicomtes de Bosquentin et de Châteaubon, les sires de

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