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Les lions diffamés

Les lions diffamés

Titel: Les lions diffamés Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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d’une fillette… Pour te le révéler, j’attendais une occasion propice. Je l’ai trouvée ce jour d’hui… Enfin !… Pardonne cet aveu tardif et nécessaire. Tu le sais : il m’advient d’être dépourvu de finesse ou de modération…
    Blême et privé soudain de tout ressentiment, le garçon ne savait que répondre. Un pan de rêves, d’illusions, de desseins dont les miroitements avaient orné sa vie, s’effondrait sous ce coup de boutoir stupéfiant, et l’affliction, le désespoir apparus au-delà de ces ruines l’angoissaient plus encore, maintenant, que le sort de son père.
    Il essaya d’imaginer le chagrin de sa mère et de sa sœur, cinq ans plus tôt ; la douleur, non pas figée, mais agressive de Luciane d’Argouges, et ses reproches à un époux déjà bien éprouvé : «  Je t’avais dit de ne pas l’emmener ! Il était trop jeune ! » Un mari – et pour Aude, un père – dégradé, en quelque sorte anéanti ; un fils – et pour Aude, un frère – trépassé ; et des armes dont elles étaient si fières, réduites, avec leurs lions en partie courtaudés, à des objets de risée !
    — Allons, redresse-toi plutôt que de te laisser envahir par le dépit et l’amertume.
    Guillaume avait raison. Et réagir, c’était imaginer leur joie à tous en le voyant réapparaître, fort et résolu à les venger. Réagir, c’était concevoir la stupeur de Blainville, défié par un revenant.
    — Vous auriez pu m’avouer la vérité, mon oncle.
    — J’avais donné ma parole à ton père… Si je n’avais été fidèle à ce serment, tu te serais tourmenté des années… à moins que tu n’aies fui pour retrouver les tiens… Crois-moi : tout est mieux ainsi.
    — Mais les coulons ? Ma mère a dû les voir dans le ciel de Gratot.
    — En dépliant les messages, tu t’es souvent plaint d’une brièveté à laquelle nous étions contraints… Un tout va bien suffisait… Jamais, sache-le, mes oiseaux n’ont été portés à Gratot… Et ceux qui prenaient leur vol de Rechignac n’appartenaient pas à ton père…
    — Où allaient-ils se jucher ? Et ceux qui se perchaient ici, d’où venaient-ils ?
    — Apaise-toi, tu vas tout savoir. Ton père a dans son voisinage un homme de confiance… Un ermite… Il vit à une demi-lieue de chez vous…
    — Gerbold !
    — C’est chez lui, en présence de ton père, que mes hommes échangeaient les oiseaux. J’ai toujours envoyé les mêmes soudoyers en Normandie… J’ai en eux la plus entière confiance.
    — Aspe, Calmels, Benoît et Raymond.
    — Oui… Ils ont su et sauront garder le secret. Je les solde en conséquence !… Et c’est pourquoi je peux aussi te rassurer. Selon le dernier message que Godefroy a remis, début mars, à Benoît, et que j’ai détruit après en avoir pris connaissance, Luciane et Aude vont bien.
    — Et vous, mon oncle ? Qu’avez-vous mis dans le bref destiné à mon père ?
    —  Il est prêt. Attendez-le pour la Saint-Sylvestre.
    —  La fin de-l’année ! Même avant ces révélations, c’était déjà trop loin.
    — Je sais… Je suis un vieil égoïste et n’ai pensé qu’à moi seul.
    D’un revers de main, Ogier sécha ses larmes.
    — Ah ! mon oncle, comme je les plains tous… Mon père, enlisé dans un mensonge pire encore que son déshonneur… Ma mère et ma sœur confinées dans un deuil injuste !
    — Je sais, je sais… Godefroy doit souffrir de toutes les menteries qu’il a racontées sur ton compte… Il a dû bien souvent être tenté d’avouer la vérité à ma sœur… S’il a tenu et tient bon, c’est qu’on ne peut se fier à la meilleure des femmes.
    — Vous avez raison, mon oncle.
    — Crois-moi, Blanquefort et moi avons tout entrepris pour te préserver. Nous avons été discrets sur ton compte avec les seigneurs et les chevaliers de passage… Dérogeant même aux règles de l’hospitalité, je n’ai reçu aucun Normand. Il s’en est présenté, en cinq ans, une bonne douzaine… Ils ont dû me faire une détestable réputation. Mais c’était mieux ainsi : prononcé malencontreusement, le nom d’Argouges aurait pu déclencher des révélations auxquelles nous ne tenions ni toi ni nous ; peut-être – qui sait ? – une querelle… Mes proches, dont tu connais la curiosité, m’auraient alors posé des questions… De cette façon, ma valetaille et mes gens ne se sont jamais interrogés sur ton compte. Mathilde même

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