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Les masques de Saint-Marc

Les masques de Saint-Marc

Titel: Les masques de Saint-Marc Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Remin
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défaut : elle avait le ventre plat, des jambes et des bras à la musculature élégante et une taille incomparable.
    Sissi n’était pas sans savoir que l’empereur avait un faible pour les femmes de chambre bien en chair ; parfois, elle se demandait si sa pratique obsessionnelle de la gymnastique ne visait pas à contenir les tentatives d’approche de son mari dans les limites du raisonnable. Depuis des années, elle traitait de plus en plus ouvertement cet aspect de leur union comme une obligation désagréable et saisissait la moindre occasion d’échapper au devoir conjugal. À vrai dire, se dit-elle, il était surprenant que François-Joseph l’aimât encore. Peut-être faisait-il juste semblant pour ne pas devoir reconnaître vis-à-vis de sa mère qu’il s’était trompé le jour où il l’avait choisie, elle, et non pas sa sœur Hélène. Et qu’en était-il en réalité de ses propres sentiments ? Avait-elle vraiment éprouvé de l’amour à Ischl, ou s’était-elle simplement pâmée comme une gamine ? Quoi qu’il en soit, poursuivit-elle en pensée, depuis qu’elle avait atteint l’âge adulte, ses sentiments pour lui fondaient tous les jours un peu plus, comme un morceau de sucre dans une tasse de café.
    Elle se détourna du miroir avec un soupir et laissa son regard errer dans la salle. Il y avait là des barres asymétriques, une barre fixe, des anneaux accrochés au plafond, des haltères de différents formats et, pour finir, la balance dominée par un grand tableau sur lequel elle inscrivait son poids et son tour de taille. Le monde entier était persuadé qu’elle se torturait avec ces instruments pour conserver sa silhouette et sa beauté légendaires. C’était faux. Ou, du moins, ce n’était vrai qu’en partie, car il ne s’agissait pas de torture à proprement parler. Élisabeth avait découvert que se concentrer sur son corps effaçait toute autre pensée : sa captivité à la Hofburg, le nœud de vipères à la Cour, son mariage raté.
    Alors qu’elle s’approchait des barres asymétriques, on frappa à la porte et le visage d’Ida Ferenczy, sa lectrice et confidente, apparut dans l’entrebâillement. Elle tenait une feuille de papier à la main. Son visage traduisait l’embarras.
    — Qu’y a-t-il ?
    La jolie lectrice rougit de gêne.
    — Un billet de l’empereur, Majesté.
    Élisabeth ne put s’empêcher de sourire. De toute évidence, quelqu’un qui n’avait pas eu le courage de venir la déranger avait chargé la pauvre Ferenczy de lui faire la commission. S’agissait-il du comte Crenneville ? Ou de cet intrigant de Grünne ? Elle ne les supportait de toute façon ni l’un ni l’autre.
    — Que veut-il ?
    Question absurde. La pauvre Ferenczy ignorait bien entendu le contenu du billet. De fait, elle haussa les épaules.
    — Le message est scellé, Majesté.
    — Eh bien, ouvre-le ! Lis-moi ce qui est écrit. Et entre !
    Sissi se pencha pour ramasser une serviette dont elle se couvrit le haut du corps. La salle de gymnastique n’était pas chauffée. Dès qu’elle arrêtait de s’activer, elle grelottait.
    — Son Altesse écrit qu’elle désire parler à Sa Majesté, dit Ferenczy après avoir survolé le billet du regard.
    — François-Joseph me voit ce soir pendant le dîner !
    La jeune femme secoua la tête.
    — Son Altesse souhaite s’entretenir avec Sa Majesté plus tôt dans la journée.
    — À quelle heure ?
    — Son Altesse aimerait recevoir Sa Majesté dans ses appartements à onze heures.
    Pardon ? Dans une heure ? Sa voix exprima un soupçon d’agacement.
    — À onze heures, j’ai mon cours d’escrime. L’empereur le sait très bien.
    — Son Altesse l’a déplacé, Majesté.
    Déplacé le cours d’escrime ? Si François-Joseph avait osé prendre une telle initiative, il devait s’agir d’une affaire importante. Sissi serra la serviette qui menaçait de glisser autour de son cou, se retourna et s’avança jusqu’à la fenêtre. La pluie avait cessé, mais le ciel au-dessus de la ville restait lourd et couleur d’ardoise, aussi triste que la cour sans arbre devant ses appartements. Pendant quelques instants, elle songea à opposer un refus à son époux. Puis sa curiosité féminine l’emporta.
    — Envoie-moi Mlle Wastl dans mon vestiaire, ordonna-t-elle en se retournant. J’ai besoin d’elle pour m’habiller.
     
    « Urgent, tu parles ! » pensa Élisabeth, de plus en plus agacée, une heure et demie après. Elle avait

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