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Les masques de Saint-Marc

Les masques de Saint-Marc

Titel: Les masques de Saint-Marc Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Remin
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faramineux ? Et qu’il songeait à se tirer une balle dans la tête ? Königsegg demeurait persuadé que le Seigneur lui avait envoyé un ange. Le nom du gondolier ne pouvait pas relever du hasard.
    Le lendemain matin, il avait donc rendu visite au professeur qui lui avait expliqué avec force détails le fonctionnement de sa machine. Bien entendu, le général avait eu du mal à le croire. Cependant, le professeur l’avait prié de défaire son alliance et avait posé celle-ci dans le cylindre de gauche. Puis il y avait versé du mercure et, cinq minutes plus tard, il avait sorti de celui de droite une pépite d’or du même poids que l’alliance. Enfin, il lui avait rendu sa bague – en parfait état. Königsegg avait aussitôt pensé au bijou de l’impératrice.
    À présent, le professeur sortait le collier de la bourse en velours et ouvrait la trappe. L’intendant en chef de Sa Majesté fut soudain gagné par l’inquiétude.
    — Vous êtes sûr que cela ne va pas endommager le collier ?
    Il était entré dans une pharmacie pour le faire peser. Il détestait qu’on se moque de lui et n’avait pas l’intention de payer plus des dix pour cent convenus. Mais le principal restait que le collier revienne cette nuit même, intact, dans le coffre-fort du palais royal. Le professeur lui adressa un sourire rassurant.
    — Bien entendu, monsieur !
    Il déposa le bijou dans le cylindre, versa du mercure contenu dans un flacon et referma la trappe. Il fallait désormais attendre cinq minutes. L’horloge murale fixée au-dessus de la table indiquait sept heures.
    Le professeur régla l’intensité de la flamme sous le cylindre de gauche et recula d’un pas. Après quelques secondes de silence, il répéta les explications de la veille.
    — Ce procédé s’appelle la multiplication directe . Le mercure enveloppe le bijou et prend l’empreinte du métal. Je ne parle pas de la forme, mais de la substance. Voilà pour le premier cylindre.
    Le général de division n’y comprenait toujours rien.
    — Et que se passe-t-il une fois que le mercure s’est imprégné de l’or ? demanda-t-il.
    — Il arrive dans le second cylindre par l’intermédiaire des tuyaux. Là, l’empreinte coagule .
    Königsegg s’éclaircit la gorge.
    — Et après ?
    — Attendons que l’or refroidisse ! déclara le professeur. Ensuite, nous le pèserons. Il se peut que l’empreinte se recompose en petits grains.
    Il sourit.
    — Cela faciliterait le paiement de ma commission…
    L’intendant en chef de l’impératrice savait que le collier pesait à peu de chose près une livre. Après déduction des dix pour cent, il lui resterait donc toujours quatre cent cinquante grammes. C’était plus qu’assez pour rembourser ses dettes. Il regarda l’horloge en face de lui. Encore deux minutes. Son cœur battait à tout rompre. Dieu, dans sa grâce, lui avait envoyé un ange et lui, de son côté, s’était montré digne de cette grâce : il avait agi avec audace et détermination. « Le Seigneur, pensa-t-il, vient en aide à ceux qui prennent soin d’eux-mêmes. »
    Il jeta un nouveau coup d’œil à l’horloge. Plus qu’une bonne minute. Ensuite, ils pèseraient l’or, le professeur retiendrait sa commission (entre-temps, Königsegg avait décidé de ne pas se montrer regardant) et, un quart d’heure plus tard, il pourrait quitter les lieux. Peut-être devrait-il se rendre sans plus attendre au casino Molin pour y régler ses dettes ? Il lui semblait de toute façon risqué de pénétrer dans les appartements de l’empereur avant minuit. Et puis, tant qu’à être au casino, rien ne l’empêchait de jouer une petite partie. Voire deux. Il ferma les yeux en se réjouissant d’avance. Pendant un moment, il eut même l’impression d’entendre la roulette tourner dans le plateau.
    Le bruit de la porte d’entrée qu’on défonçait, suivi de pas précipités dans le couloir, interrompit brutalement sa rêverie. Quelques secondes après, la porte derrière lui s’ouvrit et deux policiers firent irruption dans la pièce. L’un était petit et gros, l’autre grand et mince. Tous deux portaient l’uniforme bleu de la police vénitienne et tenaient un pistolet à la main. L’arme du gros le visait. Celle du maigre était tournée vers le professeur.
     
    Pendant quelques bienfaisantes secondes, il réussit à se bercer de l’illusion qu’il s’était juste endormi et vivait un cauchemar d’une extrême perfidie. Mais le

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