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Les masques de Saint-Marc

Les masques de Saint-Marc

Titel: Les masques de Saint-Marc Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Remin
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maigre hurla un ordre en vénitien que le général de division ne comprit pas. Alors le canon du pistolet désigna le plafond. Königsegg leva aussitôt les mains en l’air. Du coin de l’œil, il constata que le professeur l’imitait.
    Les deux policiers s’approchèrent. Le gros avait un visage franc et sympathique. Le maigre, au contraire, faisait penser à un oiseau de proie. Ni l’un ni l’autre ne semblait très respectueux du règlement : il leur manquait le baudrier blanc passé en écharpe au-dessus de la veste. Compte tenu des circonstances, Königsegg jugea préférable d’éviter tout commentaire.
    Le professeur protesta d’une voix forte, emportée. Le maigre lui répondit sur le même ton. Ils parlaient à nouveau vénitien, si bien que le général de division n’y comprenait rien. L’altercation s’acheva quand le policier attrapa le professeur par l’épaule et le poussa sans ménagement contre le mur. Il tira une paire de menottes de sa poche d’uniforme et lui attacha les mains dans le dos.
    Alors, le gros s’avança vers la machine, ouvrit la trappe du cylindre de gauche et en sortit le collier avec précaution à l’aide d’un mouchoir. En le voyant, il ne put retenir un cri de surprise. Les deux policiers parurent se réjouir. Ils échangèrent quelques mots en vénitien.
    — Ce collier vous appartient-il ? demanda ensuite le maigre en italien, de sorte que le général put le comprendre.
    Il hocha la tête.
    — Une très belle pièce, lâcha le policier en faisant glisser le bijou entre ses doigts.
    Ses yeux brillaient au milieu de son étroite face de vautour.
    — De quoi aiguiser les convoitises…
    — Il appartient à ma femme, dit l’Autrichien d’une voix lasse.
    — Combien vous a-t-il demandé ? voulut savoir le gros. Dix pour cent ? Vingt pour cent ?
    — Dix pour cent, répondit-il.
    Les deux policiers éclatèrent de rire. Puis le maigre lâcha :
    — ll vous en aurait pris cinquante, monsieur. De force, si nécessaire. Vous n’auriez jamais osé porter plainte. Vous êtes de passage ici ?
    Königsegg acquiesça d’un geste de la tête.
    — Où logez-vous ?
    — Au Danieli , prétendit-il, incapable sur le coup de trouver le nom d’un autre établissement.
    — Vous avez vos papiers ?
    — Ils sont dans ma chambre.
    — Dans ce cas, hélas, nous allons devoir vous prier de nous y conduire.
    — Vous me rendrez le collier, une fois arrivés ?
    Question absurde. Arrivés où ? Dans une chambre qui n’existait pas ? Le gros sourit d’un air désolé et secoua la tête.
    — Je n’ai pas le droit, monsieur. Mais ne vous faites aucun souci. Si vous pouvez prouver que le collier vous appartient, le tribunal vous le rendra à l’issue du procès.
    Le général de division blêmit.
    — Il va y avoir un procès ?
    — Le professeur ne vous a-t-il pas averti que sa machine était illégale ?
    — Je n’étais pas au courant ! s’exclama Königsegg.
    — Cet homme est recherché par nos services pour plusieurs délits de même nature, expliqua le mince avec un regard de mépris en direction du professeur, debout contre le mur, les yeux clos.
    À nouveau, une discussion en vénitien à laquelle l’Autrichien ne comprit pas un traître mot s’engagea entre les deux policiers. Ensuite, le gros ouvrit la trappe du cylindre de droite, en sortit les grains d’or qui s’y étaient coagulés et les mit précieusement dans son mouchoir avant de dire en italien :
    — Nous allons vous conduire tous les deux au commissariat. Après un détour par le Danieli .
    Il adressa un regard interrogateur à son collègue et, sur un geste de celui-ci, dessina avec l’index un cercle imaginaire. Le colonel comprit. Il ne servait à rien de résister. Il fit demi-tour et joignit les mains dans le dos.
     
    Lorsqu’ils sortirent de l’immeuble et s’engagèrent sur le campo Santo Stefano, il était presque huit heures du soir. Il pleuvait toujours à verse. Königsegg, qui avait oublié son chapeau – ainsi que l’essentiel de sa raison – dans l’appartement du professeur, sentit les gouttes couler de ses cheveux jusque dans sa redingote. Plusieurs personnes équipées de lanternes sourdes vinrent à leur rencontre. Il constata avec effroi qu’il s’agissait d’officiers autrichiens. Mort d’angoisse, il s’imagina que l’un d’eux pouvait le reconnaître. Bonsoir, général. Vous avez besoin d’aide, général ? Mais ils passèrent à côté d’eux sans même leur

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