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Les masques de Saint-Marc

Les masques de Saint-Marc

Titel: Les masques de Saint-Marc Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Remin
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une simple broche en grenat –, passait le petit déjeuner plongée dans ses papiers. Le commissaire, lui, qui avait l’intention de se recoucher, portait une confortable veste d’intérieur en velours rouge.
    — Ce que la Gazzetta di Venezia raconte sur l’arrivée de l’empereur. Écoute plutôt : « Quand Son Altesse posa le pied sur le môle, des cris de joie spontanés jaillirent de la foule des civils venus en nombre pour l’accueillir. »
    — Quand un souverain en chair et en os descend de bateau avec une suite importante, c’est toujours un moment de liesse, lâcha sa fiancée sans quitter ses papiers des yeux.
    — Ce n’est pas une raison pour pousser des cris de joie ! Surtout pour des Vénitiens ! Qui, en plus, ne devaient pas être nombreux sur la Piazzetta ce jour-là.
    — Que veux-tu dire ?
    — Les hôtels regorgent d’officiers et de sous-officiers de Vérone, la plupart en civil. Lorsque le souverain débarque, ils ne sont pas au café, ils ont leurs instructions. On ne peut vraiment pas parler de joie spontanée !
    Le commissaire prit encore un des croissants à la cannelle, fourrés à la crème, dont il avait déjà mangé une demi-douzaine.
    — Je ne peux pas imaginer que la vue de François-Joseph déclenche des cris de joie spontanés où que ce soit en Vénétie.
    — On croirait entendre un partisan de Garibaldi.
    — Je n’en suis pas un. Tu sais ce que je pense de l’unité italienne.
    Tron mordit dans le croissant et but une gorgée de chocolat chaud.
    — Je me demande combien de gens ils ont arrêtés cette fois-ci. Ça, bien sûr, la Gazzetta se garde bien d’en parler.
    — Des arrestations ? Pourquoi ?
    — À cause des cocardes vert, blanc et rouge que les jeunes gens portent au revers quand l’empereur arrive à Venise, expliqua-t-il. À chacun de ses séjours, ils en emprisonnent au moins une douzaine.
    — Mais qui les interpelle ?
    — Nous, bien sûr ! Nous n’avons pas le choix. Ces arrestations sont aussi stupides que les cocardes elles-mêmes.
    — Que faites-vous des prisonniers ?
    — On les retient vingt-quatre heures au commissariat, puis on les relâche mine de rien. Spaur juge préférable de ne pas faire de vagues.
    — J’imagine que le commandant de place désapprouve une telle procédure.
    Tron acquiesça.
    — Cela explique aussi pourquoi la garde civile n’a obtenu qu’un rôle de figurant.
    — Toggenburg veut renforcer les mesures ?
    — Je suppose. Quoiqu’il ne soit pas dans l’intérêt de l’Autriche de souffler sur le feu ! Toggenburg se fera rappeler à l’ordre s’il attaque trop fort.
    La princesse écarta ses papiers et jeta un regard songeur sur la dernière feuille en haut de la pile. Puis elle dit : — Tu penses que Sa Majesté a déjà lu le rapport que le baron a envoyé au palais royal hier après-midi ?
    — J’en suis sûr. On ne plaisante pas avec une telle affaire. Et nous avons fait preuve d’une remarquable efficacité !
    Le terme d’ efficacité était nouveau dans son vocabulaire. Il lui faisait penser à machine à vapeur , vanne de gaz (quoi que cela pût signifier) ou télégraphie . Il le tenait de l’inspecteur Bossi et supposait qu’il plairait à sa fiancée.
    — C’est du moins ce qu’affirme Spaur, précisa-t-il.
    — En d’autres termes, fit Maria sans qu’il pût savoir si elle se moquait de lui ou non, vous avez sauvé la vie de l’empereur.
    — Il serait en effet souhaitable que Sa Majesté vît les choses sous ce jour.
    Tron trempa les lèvres dans son chocolat et apprécia le léger arôme de vanille qui s’infiltrait dans ses narines.
    — En tout état de cause, reprit-elle, il s’agit d’un triomphe pour Spaur et d’une humiliation pour Toggenburg.
    Le commissaire baissa la tête en signe d’approbation.
    — Ce pauvre Toggenburg m’inspire presque de la pitié.
    Il ajouta une cuillère de crème fouettée dans sa tasse et la saupoudra d’une généreuse quantité d’éclats de chocolat. Du coin de l’œil, il remarqua qu’un des serviteurs éthiopiens de la princesse entrait dans la salle avec, à la main, le petit plateau en argent sur lequel il apportait à Maria sa correspondance privée. Cependant, Moussada s’arrêta près de sa chaise et Tron constata que le plateau contenait deux enveloppes, une grande et une petite. La grande portait l’inscription « À l’attention du comte Tron, Commissariat central » ainsi que les armes de l’empereur dans le coin

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