Les Mythologies
combattant et de l'autre un bestiaire merveilleux dans lequel le dragon a la part du lion. Ce dernier apparaît dans toutes les mythologies, dans toutes les légendes nationales, au point que des sauroctones - des tueurs de dragons vont acquérir le statut de saint patron des royaumes de France et d'Angleterre avec saint Michel pour l'un et saint Georges pour l'autre. En Allemagne, en Scandinavie, en Russie enfin, l'archange et le saint seront remplacés par des héros, Sigur ou Siegfried et 100
Dobrynya Nikitich en Russie, mais le principe est le même. On peut alors s'interroger sur l'omniprésence, à travers les siècles et les lieux, de cet animal fantastique. Et sans doute son historique et sa symbolique y sont pour beaucoup.
Avatar du serpent, dont il s'inspire physiquement, le dragon est, comme lui, un animal chtonien, un être appartenant au monde des morts. Le plus célèbre d'entre eux, le dragon Fafnir, gardien du trésor des Nibelungen, en est la preuve la plus évidente. De fait, ce dragon n'en a pas toujours été un. Son « animalité », même fantastique, n'est qu'apparente, de même que sa monstruosité. Snorri Sturluson, qui a compilé la mythologie et les sagas scandinaves, rapporte que le trésor des Nibelungen faisait l'objet de la convoitise de deux frères, qui devaient en être les gardiens : Fafnir et Reginn. Deux frères qui étaient également deux nains. Or, les nains comme les géants sont des êtres de l'Autre monde, peuplant, comme les dragons, les grottes et les montagnes. Passés maîtres dans l'art de la métamorphose, les nains pouvaient prendre n'importe quelle apparence mais c'est sous celle d'un dragon que Fafnir choisit d'assurer la garde du trésor. Sans doute ce choix n'est-il pas anodin. La saga Scandinave veut également que le sang de Fafnir rende invulnérable et que le boire donne la connaissance du langage des oiseaux. Or invulnérabilité et immortalité sont étroitement liées. Quant à la connaissance animale, elle s'apparente à la connaissance universelle. Deux choses qui ne s'acquièrent que dans la mort, comme le rappelle la symbolique des sirènes, des êtres infernaux détenteurs de la connaissance du monde. Définitivement, les dragons sont donc à compter au nombre des créatures infernales, comme le serpent, symbole du cycle de la vie et de la mort. Et les légendes chrétiennes mettant en scène des dragons ne disent pas autre chose : saint Michel et saint Georges, vainqueurs de dragons, sont surtout vainqueurs du mal, du monde infernal, ouvrant ainsi la porte de l'éternité. Voir : lôrmungand, Nains, Sirènes, Fafnir, Beowulf, Echidna, Python
* Elfes
Lorsque l'on étudie les croyances anciennes, notamment les croyances populaires, il est relativement rare qu'un être originellement bon soit perçu comme mauvais - ou inversement - et cela sans raison apparente. Ce sera pourtant le cas des elfes et des nains qui vont en quelque sorte interchanger leurs qualités morales en quelques décennies. A l'origine d'ailleurs, les elfes n'étaient pas des génies mais sans doute des dieux... Certains textes scandinaves, comme le Voyage de Skirnir, semblent mettre sur un pied d'égalité les Ases - famille d'Odin et de Thor notamment -, les Vanes - parmi lesquels Freyr et Freyja - et les elfes. Cela n'a rien de particulièrement étonnant et on suppose que nombre de représentants de la petite mythologie - comme les nains et les elfes ont été, il y a fort longtemps, des divinités à part entière. Absorbées, elles ont été fina 10.1
lement réduites à la petite mythologie par les Ases - qui renvoyèrent également au petit monde la plupart des Vanes. Avant que la suprématie des Ases ne soit absolue, les trois familles de divinités ont donc sans doute été sur un relatif pied d'égalité, comme le suggère le Chant magique de Hrafn qui dit qu'Odin « a la puissance, les Elfes la compré- hension et les Vanes le savoir ».
On sait même que, dans l'Asgard - le monde des dieux -, existait un royaume des elfes, Alfheimr, qui coïnciderait, selon le spécialiste Claude Lecouteux, « avec Gimlé, la plus belle des demeures célestes... en laquelle on a reconnu le séjour des âmes, la retraite des hommes justes et bons ».
Voilà donc les elfes passant du statut de divinités à celui d'êtres bons, sans doute d'âmes mortelles justes, ce qui donne à Alfheimr une certaine apparence de Paradis. Il est certain en tout cas que les elfes ont été, lors de
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