Les Mythologies
conteurs.
Des fées qui, comme nos Parques romaines, comme les Nornes scandinaves ou les Moires grecques, agissent par groupe de trois, comme le rappellent quelques croyances anciennes. Au xvr siècle, Germain-Poulain de Saint-Foix rapporte une superstition ancienne, que l'on retrouve chez les Bretons ou chez les Moldaves : « A la fin de la pre- mière race de nos rois, note-t-il, il y avait encore plus d'un tiers des Français plongés 161
dans l'idolâtrie... A certains jours de l'année et à la naissance de leurs enfants, ils avaient grande attention de dresser une table, dans une chambre écartée, et de la couvrir de mets et de bouteilles, avec trois couverts et de petits présents, afin d'engager les mères, c'est ainsi qu'ils appelaient les puissances subalternes, à les honorer de leurs visites et à leur être favorable. »
A cette évocation, on ne saurait s'empêcher de voir l'image, si familière à tous, de la bonne fée penchée sur le berceau de l'enfant nouveau-né.
Et cette description n'est pas à mettre au compte d'une quelconque imagination débordante. Burchard de Worms, qui, rappelons-le, écrit au xi° siècle, évoque la même chose dans son Decretum : « Tu as fait ce que certaines femmes ont coutume de faire à cer- taines périodes de l'année, à savoir : mettant la table chez toi, tu y as placé des mets et des boissons en même temps que trois petits couteaux, afin que les trois soeurs, qu'une antique sottise ne cessant de se perpétuer a nommées Parques, puissent se res- taurer en ces lieux... »
Là encore trois couverts, donc trois êtres.
Un rite, une coutume que l'on voit chez Worms mais également dans un pénitentiel anglais du ix" siècle - un pénitentiel est un ouvrage destiné aux prêtres et qui répertorie les péchés et les fautes afin de guider le prêtre dans ses confessions - et qui remonte évidemment à un passé lointain, païen mais aussi européen... L'apport des mythologies européennes anciennes ne se limite évidemment pas à
quelques coutumes, même si ces dernières ne sont pas à négliger. Elles sont même particulièrement évidentes dans les rites ou les légendes en rapport avec la mort ou l'Audelà - qui, rappelons-le, forment le socle le plus évident d'une mythologie commune. Les nains, au même titre que les fées, font évidemment partie de cet héritage ancien. Non seulement ils sont présents dans la mythologie celtique et plus encore dans celle du monde Scandinave, mais ils vont connaître une seconde vie à l'époque médiévale. C'est ainsi que Gautier Map, un auteur anglais du xir siècle, rapporte dans son De nugis curialium, l'histoire d'un roi légendaire, Herla. Ayant conclu un pacte avec un nain - dont on ne sait pas le nom -, il promet à ce dernier d'assister à ses noces si lui-même lui fait cet honneur. Le roi se marie en présence du nain qui fait don aux époux de trésors immenses. Quelque temps plus tard, il convie à son tour Herla à ses noces. C'est donc accompagné d'une dizaine de chevaliers qu'Herla pénètre dans une montagne, royaume du nain. Durant trois jours, il assiste au mariage et repart comblé de présents : des faucons, des chevaux et un limier - un chien de chasse. Surtout, recommande le nain, le roi ne doit pas mettre pied à terre avant que le limier ne l'ait fait. De retour à l'air libre, le souverain et son équipage rencontrent un paysan qui leur narre l'histoire légendaire d'un souverain du temps jadis, disparu avec son cortège et une troupe de nains dans cette même montagne. Cette légende est celle du roi Herla... Les hommes du souverain, déconcertés, mettent pied à terre... et se transforment immédiatement en poussière I Le 162
limier n'avait pas quitté la croupe du cheval d'Herla. Depuis lors, Herla erre, sans but, dans la lande.
L'analyse de la légende est des plus simples : les trois jours qu'avait cru passer le souverain dans le ventre de la montagne étaient en fait des siècles et à peine ses hommes avaient-ils mis pied à terre que le temps avait repris ses droits. Or qu'est-ce qui est hors du temps, intemporel, sinon l'Au-delà ? La montagne, où résident les nains, n'est-elle pas au coeur de la terre ? Là encore, donc, le royaume des nains désigne l'Autre monde. Il est le monde des morts et les nains eux-mêmes sont donc les âmes défuntes. Cette légende médiévale reprend, sans grand changement, les croyances anciennes telles qu'elles apparaissent dans la
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