Les Origines et la Jeunesse de Lamartine 1790-1812
parent de sa femme, le président Henrion de Pensey alors ministre de la justice, nous donne quelques détails sur son dévouement fidèle mais obscur, et qui confirment entièrement le récit des Confidences et de l'Histoire des Girondins [Arch. de la guerre (section administrative), dossier Pierre de Lamartine. Pierre-Paul Henrion de Pensey, premier président de la Cour de cassation (1742-1829), était le frère d'Henrion de Saint-Amand, beau-frère de Mme de Lamartine.].
Dès son arrivée, suivant en cela l'exemple de la noblesse de France, il fit demander au Roi ses ordres, soit pour émigrer, soit pour rester. Louis XVI, comme à tous, lui répondit de demeurer. Il obéit et ne manqua aucune occasion de se rendre aux Tuileries chaque fois que le château fut menacé ; il s'y trouvait même le 10 août, resta jusqu'après l'attaque, combattit l'un des derniers. Poursuivi par les vainqueurs, il échappa aux massacres de la Force grâce à la complicité d'un des jardiniers d'Henrion de Pensey qui se trouvait parmi les émeutiers et eut pitié de lui. Il le cacha et lui fournit des vêtements qui lui permirent de circuler dans Paris sans éveiller l'attention. Le chevalier erra alors quelques jours, ne sachant quel parti prendre, puis reprit le chemin de Mâcon.
À son arrivée, il trouva le pays en pleine émeute.
Déjà, trois ans auparavant, dans les derniers jours de juillet 1789, une véritable Jacquerie avait éclaté dans le Mâconnais. À Cormatin, à Cluny, à Hurigny, à Saint-Point surtout,—qui appartenait encore aux Castellane,—les paysans avaient envahi le château, brûlé les terriers et les titres de redevances. Les Lamartine ne furent pas épargnés : le 27 juillet, leur petite propriété de Pérone était dévastée et leur concierge qui tentait de s'opposer au pillage se noya dans le puits où on l'avait jeté. Le jour même, le curé de Pérone, Étienne Moiroux, était assailli au presbytère, et brutalisé. Mais les années 1790-1791 furent plus calmes ; le mouvement ne reprit qu'en 1792, lors de la réforme du clergé.
Lamartine, en divers endroits de son œuvre, s'est longuement étendu sur les persécutions que sa famille eut à subir pendant la Terreur. Si l'on en excepte l'épisode d'après lequel son père aurait échangé des lettres avec sa mère, de la prison aux fenêtres de la maison de la rue des Ursulines située en face, où elle se serait retirée, tout ce qu'il y a raconté est exact, à quelques détails près. Grâce aux Archives de Saône-et-Loire, il est d'ailleurs facile de rétablir l'existence des Lamartine durant les années 1792-1795.
Ils ne commencèrent guère à être inquiétés qu'en 1792, à la suite de l'émigration du fils aîné François-Louis, émigration qui dut être extrêmement courte, mais qu'il n'est guère possible de mettre en doute. Dans la Liste générale des émigrés [Paris, Imprimerie nationale, an II.], on trouve en effet à la lettre L un tableau où figurent Louis-François le père et François-Louis le fils, dont les biens furent mis sous séquestre les 5 juillet, 20 septembre et 28 novembre 1792.
Aussitôt, le vieux seigneur de Montceau protesta avec énergie et fit parvenir aux directoires de Saône-et-Loire et de la Haute-Saône des attestations de civisme et des certificats de résidence, mais pour lui seul, et sans jamais faire mention de son fils dont on ne trouve aucune réclamation ; ceci semble suffisamment prouver qu'il n'était pas alors en France. On ne tarda pas d'ailleurs à faire droit aux requêtes de Louis-François : le 12 avril 1793 il obtenait la mainlevée des scellés apposés à Montceau et à Milly, le 24 mai celle des propriétés de Franche-Comté [Ces deux arrêtés ont été publiés par M. Reyssié (la Jeunesse de Lamartine, 24-25).].
Prévenu sans doute des conséquences qu'allait entraîner sa disparition, François-Louis revint à Mâcon, où on le trouve en octobre. Mais il paraît impossible de mettre en doute son émigration, contestée par Lamartine, puisqu'il n'existe aucune protestation émanant de lui contre la qualité qu'on lui prêtait, que son père n'agit qu'en son nom propre dans toutes ses revendications, et qu'à la fin de 1793 les Lamartine furent emprisonnés comme parents d'émigré.
Contrairement à ce qu'on lit dans les Confidences, le grand-père du poète ne fut pas détenu ; sans doute, son âge lui valut-il cette exception, car il avait alors quatre-vingt-trois ans. Sa
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