Les pièges du désir
conduite. Après tout, je n’ai rien à craindre de vous. Allez donc raconter à qui vous voudrez que mon fils est un lâche ! Personne ne vous croira.
Il se dirigeait vers la porte, quand Jack le rappela.
– Attendez !
Tranville s’arrêta et fit volte-face.
– J’ai des preuves, dit tranquillement Jack.
– Des preuves de quoi ? fit l’autre avec dédain.
– De la lâcheté d’Edwin.
Il marqua une pause pour donner plus de poids à ce qu’il allait dire.
– Et de bien plus grave encore.
Cette fois, Tranville parut inquiet.
– Attendez une minute, reprit Jack. Je vais vous montrer.
Il alla soulever le couvercle du coffre et en retira un paquet. Il avait déjà rompu sa promesse à sa mère. A présent, il allait aussi violer sa parole de soldat.
Il revint vers Tranville.
– Badajoz, lui dit-il simplement.
Il ouvrit le paquet et en sortit des feuilles de papier, qu’il étala l’une à côté de l’autre sur le parquet. Mises bout à bout, elles racontaient en images le sanglant épisode de Badajoz.
Tranville les examina, éberlué.
– Mais on dirait…
– Edwin. C’est bien lui en effet.
Il avait dessiné la scène de mémoire. Edwin essayant de violer la femme, puis d’étrangler le gamin, avant d’être balafré par la mère d’un coup de poignard.
Tranville recula, outré.
– C’est un pur produit de votre imagination !
Jack le défia du regard.
– C’est arrivé, que vous le vouliez ou non. Edwin était trop soûl pour s’apercevoir que j’étais là.
Il aligna les derniers dessins, ceux où il avait croqué les deux officiers témoins d’une partie de la scène. Contrairement au reste, leur visage et leur uniforme avaient été sommairement esquissés, afin que nul ne puisse les identifier.
– Comme vous voyez, je ne suis pas le seul à y avoir assisté.
Tranville dispersa les feuilles d’un coup de pied.
– C’est de l’affabulation !
Jack ramassa l’un des papiers et le retourna pour le montrer à Tranville. On pouvait y lire quelques lignes d’une lettre en français datée d’un mois avant le siège.
Tranville balaya le document d’un geste furieux.
– C’est faux ! Edwin a été blessé au visage en escaladant le mur de la forteresse.
– Vous et moi savons très bien qu’il est resté caché ce jour-là au pied du rempart, rétorqua Jack d’une voix calme. Je l’ai vu recroquevillé de peur parmi les morts.
– Vous mentez ! cria Tranville.
Sans la moindre semonce, il s’élança sur Jack et lui assena un coup de poing qui le jeta à terre, au milieu des feuilles éparpillées. Puis il lui enserra le cou de toutes ses forces et Jack dut lui enfoncer les doigts dans les yeux pour le faire lâcher prise. Les deux hommes roulèrent sur le parquet, enlacés dans une lutte farouche. Le chevalet, bousculé, tomba sur le sol, et le portrait d’Ariana s’abattit sur eux. Jack l’écarta et se releva d’un bond. Puis il saisit Tranville par le collet et le plaqua contre le mur.
– Arrêtez, Tranville ! Vous n’êtes pas à la hauteur. Il est temps de rendre les armes.
Mais Tranville semblait pris d’un accès de démence. Ses yeux brûlaient dans son visage cramoisi. Il plongea derechef sur Jack ; celui-ci s’écarta juste à temps et Tranville alla s’abattre contre une table, qui se brisa sous le choc.
Il se releva, titubant.
– Je vais vous tuer, maudit !
Jack ne put s’empêcher d’éprouver quelque plaisir en sentant son poing entrer en contact avec la mâchoire de son adversaire. Mais la violence ne résoudrait rien, il le savait.
Tranville s’empara d’un des pieds de la table et tenta de le frapper au visage. Jack se baissa assez promptement pour éviter le coup et eut la chance de pouvoir agripper l’arme. Pendant quelques secondes, les deux hommes luttèrent pour le contrôle de cette massue improvisée. Les muscles de Jack tremblaient sous l’effort. Enfin, le pied lui resta entre les mains.
Tranville recula vers le mur.
– Vous ne…
Trois coups retentirent soudain à la porte. Jack regarda son ennemi, qui tâchait de reprendre sa respiration en se tenant les côtes.
– Assez ! dit-il en jetant le morceau de bois sur le parquet. Arrêtons cela.
Il alla ouvrir la porte et se trouva face à un officier du Royal Scots , en veste rouge et parements de dentelle blanche. L’homme regarda
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